S'habiller à l'étranger : comprendre les codes vestimentaires locaux

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Publié le 2023-04-28 à 10:00 par Asaël Häzaq
Tailleur, costume, jean large, jean slim, pantalon, jupe, robe, avec ou sans décolleté, avec ou sans imprimés, aux couleurs vives ou sobres… La question du vêtement est bien plus complexe qu'il n'y paraît. À l'étranger, elle gagne encore en complexité. Le pays d'accueil a sa propre culture et ses propres codes vestimentaires, qu'il convient de respecter. Comment s'habiller dans la rue, au travail ? À quoi faut-il penser ? Guide pratique des bonnes habitudes à prendre pour éviter les fashion faux pas.

Code vestimentaire, culture, religion, et politique

Dans certains pays, le vêtement est une affaire politique. Selon le Code pénal omanais, s'habiller de manière indécente en public est passible d'un à trois ans d'emprisonnement, et de 100 à 300 rials omanais d'amende (260 à 780 dollars). Les autres pays musulmans reprennent le respect d'une « tenue vestimentaire modeste, sobre ». Aux Émirats arabes unis (EAU), hommes et femmes sont invités à s'habiller de manière sobre. Oman durcit d'ailleurs le ton. Pendant le mois du Ramadan, de nombreux étrangers habillés de manière « indécente » auraient été vus dans les lieux publics. Les autorités omanaises, tout comme celles des autres états musulmans, ne demandent évidemment pas aux expatriés de suivre le Ramadan, mais de respecter leur culture.

Bien plus qu'un simple tissu, le vêtement est un symbole culturel. En Malaisie, tous les vêtements ou presque sont tolérés. On évitera juste les tenues moulantes, dénudées ou trop courtes (shorts, minijupes...), notamment par respect envers la culture musulmane. La mesure vaut pour les hommes comme pour les femmes. Même règle au Sri Lanka, qui ajoute l'interdiction de tout vêtement dissimulant le visage (loi de 2019). La mesure vise particulièrement le voile intégral porté par certaines femmes musulmanes (le Sri Lanka est à majorité bouddhiste).

En Inde, pas de loi, mais des normes culturelles. Comme en Malaisie, on évite les vêtements courts. Montrer ses jambes n'est pas très bien vu. Les femmes éviteront les vêtements moulants et les décolletés. Attention aux tenues et accessoires en cuir. Certaines religions montrent un respect de l'animal tel que l'accès à leurs temples est interdit à toute personne ayant du cuir sur elle.

Code vestimentaire et liberté individuelle

On dit souvent que le vêtement est une manière d'affirmer son identité, de se démarquer, de créer un style. Certains expatriés conserveraient leur style vestimentaire au nom de la liberté individuelle. Pour les pays définissant un code vestimentaire, il ne s'agit pas de brimer la liberté, mais plutôt de respecter les coutumes du pays d'accueil. Braver les règles au nom de la liberté devient, pour eux, une offense faite à la population locale.

La question du vêtement n'est pas anodine. L'on peut vite basculer sur la question des droits humains. En Inde, par exemple, les règles vestimentaires concernant les femmes renvoient à leur situation. Malgré une Constition qui garantit l'égalité femmes-hommes (article 14), l'égalité des chances et la dignité des femmes (article 16), malgré plusieurs avancées en matière d'interruption volontaire de grossesse (amendement de la loi en 2021), la condition des femmes reste très difficile. Sexisme et discriminations s'immiscent jusque dans les tenues vestimentaires. C'est encore plus vrai en Iran, au Pakistan ou en Afghanistan, pays voisins de l'Inde.

Expatriation et code vestimentaire professionnel

Quelle tenue adopter pour briller aux yeux de ses collègues et de ses supérieurs ? La tenue professionnelle est aussi une affaire de culture. On s'accorde sur un point. Quel que soit le pays, le très moulant, le très court, le très ouvert et le très flashy auront bien du mal à trouver leur place. Mieux vaut réserver ses tenues les plus audacieuses et les plus extravagantes à ses sorties (encore que, tout dépend du pays) ou fêtes en intérieur.

Un « sexisme professionnel ? »

En général, les femmes opteront pour le tailleur, les hommes, pour le costume. La hauteur du talon des chaussures féminines soulève toujours autant de discussions. Au Japon, par exemple, la chaussure est sobre, le talon de rigueur. Mais pas haut, pour que les femmes ne soient pas plus grandes (que les hommes). En 2019, Takumi Nemoto, le ministre du Travail de l'époque, justifie ce « sexisme professionnel » au nom des coutumes. Les salariées se révoltent. C'est la naissance du mouvement « #KuToo ». Référence au #MeToo, #KuToo est un jeu de mots entre « kutsu » (chaussure) et « kutsuu » (douleur). En 2017, la Colombie-Britannique (province canadienne) avait créé l'évènement en proposant une loi pour interdire aux employeurs d'exiger une tenue vestimentaire aux salariées.

Car les femmes sont souvent davantage visées par les injonctions liées à la tenue professionnelle. Certaines cultures et religions réservent le port du pantalon aux hommes. Les femmes seront en jupe mi-longue ou longue, ou en robe sobre. Des particularités qui impactent aussi les secteurs professionnels. On trouve encore des uniformes féminins (dans certains secteurs de la restauration, par exemple) plus moulants, courts et décolletés que les uniformes masculins.

Poste à responsabilité, tenue vestimentaire, sexisme

Le sexisme s'invite même au sommet de l'État, pourtant censé garantir le respect des droits pour tous. En France, « l'affaire de la robe fleurie » reste dans les mémoires. Le 17 juillet 2012, Cécile Duflot, la ministre du Logement de l'époque, intervient à l'Assemblée nationale vêtue d'une robe à fleurs bleues. Des députés la sifflent, la raillent, lancent des sous-entendus controversés. Patrick Balkany, à l'époque député de droite, déclarera au journal Le Figaro : « Peut-être avait-elle mis cette robe pour ne pas qu'on écoute ce qu'elle avait à dire ». Pour certains hommes politiques français, la robe, qui change du traditionnel tailleur-pantalon, souligne une féminité qui ne cadre pas avec la politique. Cécile Duflot ne cache pas son étonnement, et rappelle que le machisme a encore la dent dure.

En 2023, les tenues vestimentaires des femmes politiques restent plus commentées (et critiquées) que celles des hommes. Ce constat peut également se refléter au sein de grandes entreprises et/ou pour des postes à responsabilités. Certaines femmes vont alors vouloir masculiniser leurs tenues pour se rendre plus crédibles (souvent vu dans les années 90-2000). Depuis quelques années, la libération de la parole (#MeToo...) libère également des carcans. Des femmes occupant des postes à responsabilité revendiquent leur féminité.

Tenue vestimentaire et choix des couleurs

Et les couleurs ? Côté costume comme côté tailleur, on évitera les couleurs trop voyantes. De nombreux pays misent sur le bleu marine. Les tons gris ou noirs sont aussi validés. En France, on admet aussi les tons marron, les rayures fines et motifs élégants. Hommes et femmes sont assez libres de choisir leur tenue. Ils peuvent même opter pour des couleurs vives, comme le rose ou l'orange. Mais il faut bien sûr se rappeler que tout dépend du milieu professionnel et de l'entreprise.

Il ne faut pas forcément garder l'image occidentale du costume et du tailleur. En Afrique subsaharienne, le costume se décline en manches courtes et en divers styles. L'abacost (à bas le costume) est l'un des plus connus. A l'origine pourtant, une doctrine vestimentaire imposée par Mobutu Sese Seko, président de la République démocratique du Congo (ex-Zaïre) de 1972 à 1990. Il fait interdire le costume-travail occidental, qu'il considère comme un marqueur de la culture coloniale. Si l'interdiction n'est plus en vigueur depuis longtemps, l'abacost reste à la mode. Le style, facilement reconnaissable (absence de col, tissu léger) présente l'élégance africaine.

Coupe, matière et couleurs s'adaptent au climat chaud. Si les tons sombres ont toujours leur place sur le continent africain, les tons clairs sont également recommandés. Selon le milieu professionnel, on pourra aussi opter pour des tissus traditionnels africains (bogolan, kente, raphia…), le wax ou le bazin, qui offrent un éventail bien plus large de couleurs, de motifs et de formes. Les femmes sont encore plus libres, et ont le choix entre des tailleurs africains, robes et autres tenus aux motifs chatoyants et élégants.

Travail à l'étranger et code vestimentaire : élégance et observation

« Elégant ». C'est le secret d'une garde-robe professionnelle. En Chine, on demandera d'être « sobre et chic ». En Italie ou en France, c'est « sobre et raffiné ». Une sobriété toute culturelle. Des tenues portées dans les entreprises françaises passeraient pour trop voyantes dans des entreprises japonaises. Le raffinement est surtout une affaire de coupe de vêtement, de qualité du tissu, et de fer à repasser ! Quel que soit le pays, le vêtement froissé sera du plus mauvais effet. Dans les pays à fort taux d'humidité, mieux vaut même prévoir plusieurs hauts pour les fortes chaleurs. Au Japon ou aux États-Unis, la « culture » s'acharne encore sur les femmes, qui peuvent être invitées à garder leur collant même sous la canicule.

Mais dans tous les cas, tout est surtout affaire d'observation. Quelle est la culture du pays d'expatriation ? Comment s'habillent les gens au travail, dans la rue ? Est-il facile de reconnaître les salariés (à l'image des salariés japonais, chemise blanche et costume sombre) ? Y a-t-il des couleurs à privilégier, à prohiber ? Quels sont les styles vestimentaires en fonction de la profession ? Le costume/tailleur/baskets est-il accepté ? La cravate est-elle obligatoire ? Peut-on opter pour le look décontracté ?

C'est en observant ses collègues qu'on arrêtera le bon dress code. La liberté individuelle aura un espace d'expression plus ou moins grand en fonction des pays, des cultures, des entreprises. Elle sera plus facilement exprimée en ville, dans le respect de la culture locale. Originalité et personnalité pourront toujours s'exprimer. Comme souvent, tout est affaire d'équilibre.