Maurice sur la liste noire de l’Union européenne : les raisons d’investir malgré tout

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  • Irshad Rahimbux
Publié le 2021-02-22 à 09:06 par Estelle Bastien
L'île Maurice est sur la liste noire de l'Union européenne depuis le 19 juin 2020. Un statut qui a impacté sur la réputation du secteur financier mauricien. Cette situation est, certes, inquiétante pour les opérateurs du secteur et les potentiels investisseurs mais l'avenir ne semble pas si sombre.

Le secteur financier mauricien retient son souffle. Les opérateurs du secteur s'attendent à voir les fruits des efforts du gouvernement pour faire sortir le pays de la liste noire des pays qui faciliteraient l'évasion fiscale et le blanchiment d'argent de l'Union européenne. La Commission de l'Union européenne se base sur le classement du Groupe d'Action Financière (GAFI), un organisme intergouvernemental qui lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, qui a, lui, placé le pays sur sa liste grise.

Mahen Seeruttun, ministre des Services financiers, explique à l'Expat Mag, que la reproche qui est faite à Maurice concerne principalement l'efficacité et non le respect des normes techniques. « Il y a déjà des avancées considérables. Il nous fallait être conforme sur 21 des 40 points techniques et nous en respectons 36. Sur l'effectiveness, nous respectons 53 des 58 points. Et nous travaillons actuellement sur les 5 points restants ».

A savoir que les secteurs pour lesquels les autorités auraient manqué de vigilance, selon l'économiste Pierre Dinan, seraient ceux de l'immobilier, de la joaillerie ou encore les casinos. « Le secteur financier en lui-même, avec les Management Companies, est bien réglementé. Mais nous ne nous sommes pas suffisamment appesantis sur ces secteurs qui n'ont rien à voir avec l'Offshore. Et il y a eu des scandales, notamment au plus haut sommet de l'État avec une histoire de bijoux et d'or, qui n'ont pas aidé », avance l'économiste. 

Le ministre a justement indiqué que des mesures correctives sont prises pour ces secteurs en particulier. « Lorsqu'on prend l'immobilier, par exemple, nous avons des sociétés très bien ancrées et ce depuis des années et qui font les choses comme il se doit, puis nous avons les petits agents immobiliers, tout le monde en connaît un dans son entourage, qui eux ne sont pas forcément respectueux des cadres mis en place. C'est la même chose pour le secteur de la joaillerie. Nous avons de grandes entreprises très réputées et les petites bijouteries dites traditionnelles», soutient le ministre des Services financiers ajoutant que ces petits commerces sont actuellement ciblés.

Le premier impact de ce mauvais classement a été la quasi absence de nouveaux placements de fonds, selon les opérateurs du secteur financier. Kevin Ramkaloan, CEO de Business Mauritius, association indépendante qui regroupe 1200 entreprises, affirme que des «membres ont fait comprendre que pour l'instant, les fonds existants sont toujours là mais qu'il y avait très peu de nouveaux placements». Mais il se veut optimiste. «Je pense que tout est fait pour sortir de la liste noire. Nous espérons qu'avant la fin de l'année, nous aurons un secteur financier qui sera un des meilleurs de la région en termes de conformité», soutient-il.

Pierre Dinan précise toutefois que la situation est loin d'être désavantageuse pour les potentiels nouveaux investisseurs. «Ce n'est pas juste pour le pays de dire que rien n'a été fait. Disons plutôt que les règlements du GAFI nous obligent à mettre de l'ordre partout. Mais il faut reconnaître que la juridiction mauricienne offre des avantages. Pour l'étranger qui veut investir à Maurice, il est bon de savoir que s'il y a un litige, il y a la possibilité de remonter jusqu'à la House of Lords en Angleterre. Sans compter que la Cour suprême a déjà démontré son indépendance vis-à-vis des différents pouvoirs. Pour un investisseur étranger, c'est un gros avantage ! », poursuit l'économiste.

L'autre point fort de Maurice, fait ressortir Pierre Dinan, c'est que le pays est une démocratie. « Nous avons des élections libres. C'est vrai qu'en ce moment, nous avons des soucis avec les manifestations, il y a quelques bavures. Ces descentes dans la rue peuvent à la longue nous faire du mal mais si je prends l'exemple du Rwanda, qui est gouverné en ce moment par un homme intelligent, il faut tout de même préciser que ce n'est pas une démocratie», avance-t-il. 

Ensuite, l'économiste rappelle que Maurice bénéficie d'un décalage horaire très favorable sans compter que le pays est en paix. « Et il y a aussi une série de Investment Promotion and Protection Agreements. Certains ratifiés par le gouvernement mauricien et d'autres pays d'Afrique », précise-t-il.

Le ministre Mahen Seeruttun rappellera, lui, que le pays est « Covid-saf e» et que le gouvernement a mis en place le Premium Visa pour encourager les investisseurs.