Les nouvelles mesures de l'UE pour attirer les travailleurs non européens

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Publié le 2023-11-27 à 10:00 par Asaël Häzaq
L'économie européenne accuse le coup. Les dernières estimations de Bruxelles tablent sur une croissance de 0,6 %, contre 0,8 % il y a encore quelques mois. Parmi les causes de la morosité économique, une récession frappant plusieurs pays européens. Bruxelles voit aussi les conséquences d'une pénurie de main-d'œuvre toujours persistante, et table sur de nouvelles mesures pour attirer les travailleurs non européens. Analyse.

Les travailleurs non européens au secours de l'économie européenne

En juillet 2023, la Commission européenne présente son rapport sur l'évolution de l'emploi et de la situation sociale en Europe (ESDE). D'après les conclusions de l'étude, l'économie européenne a globalement bien résisté, malgré une année 2022 marquée par la guerre en Ukraine et la crise inflationniste. Le taux d'emploi atteint même un « niveau record » avec 74,6 %, tandis que le taux de chômage reste « historiquement bas », à 6,2 %. Le taux d'emplois vacants est d'environ 3 % (chiffre Eurostat).

La Commission européenne alerte : les ressortissants européens ne suffisent pas à combler l'offre d'emploi. Le recrutement intra-européen reste faible : à peine 14 % des PME (petites et moyennes entreprises) disent y avoir recours. Le vieillissement de la population ajoute à la tension sur le marché de l'emploi. Le rapport ESDE observe des pénuries de main-d'œuvre dans plusieurs secteurs, quel que soit le niveau de compétence et de qualification. Les secteurs des Technologies de l'information et de la communication (TIC), des Sciences, technologies, ingénieries et mathématiques (STIM) , de la construction et de la santé sont cependant les plus impactés en 2022.

Selon les projections de la Commission européenne, les pénuries de main-d'œuvre tendront à s'aggraver dans les années à venir. En cause, les départs en retraite, et une baisse de la population en âge de travailler, qui passerait de 265 millions en 2022 à 258 millions d'ici 2030. Pour la Commission européenne, il y a urgence. Le 15 novembre, elle dévoile de nouvelles propositions pour attirer les travailleurs non européens, et faciliter l'immigration légale.

Lutter contre la lourdeur administrative

De l'aveu même de Margarítis Schinás, vice-président de la Commission européenne en charge des migrations : « … nos formalités administratives sont nombreuses, ce qui crée une certaine réticence chez les travailleurs des pays tiers à passer par le système de reconnaissance de leurs qualifications professionnelles. » Alors qu'il annonce les nouvelles mesures de la Commission, le vice-président estime que la bureaucratie conduit à un « gaspillage de cerveaux ». Une mesure législative est envisagée pour simplifier les démarches des expatriés non européens. Plusieurs États, comme l'Allemagne, ont justement réformé leur loi sur l'immigration pour simplifier les procédures de visa.

Faciliter la reconnaissance des qualifications

Autre axe d'amélioration : la reconnaissance des qualifications. Conséquence de la lourdeur administrative, difficile pour les expatriés non européens de faire reconnaître leurs compétences et qualifications. Si toutes les compétences sont les bienvenues, la priorité est mise sur les métiers en tension (santé, construction...). Une liste serait régulièrement mise à jour pour faciliter les recherches des postulants. L'Union européenne (UE) plaide pour une simplification de la reconnaissance des qualifications, sans encore détailler quelle forme prendrait cette simplification.

Créer une plateforme de recrutement dédiée aux travailleurs non européens

La Commission européenne parle d'une « pénurie endémique », véritable frein à la croissance européenne. Pour faciliter la rencontre entre l'offre et la recherche de main-d'œuvre, l'UE mise sur la création d'une plateforme de recrutement. Les employeurs y publieront leurs offres. Les travailleurs non européens pourront postuler en ligne. La plateforme constituera également une « réserve de talents » pour les pays membres de l'UE. Les travailleurs non européens et les demandeurs d'asile déjà présents sur le territoire ne seront pas concernés par cette réserve de talents. Pour lutter contre l'exploitation des travailleurs étrangers, la Commission exigerait que les employeurs ne respectant pas les législations européennes et nationales soient suspendus. Le contrôle des employeurs relèverait toutefois des États membres.

Réformer le permis unique

Mis en place en 2011, le permis unique est un permis de séjour et de travail temporaire (2 ans maximum) permettant aux ressortissants non européens de venir travailler dans un État de l'UE. Pour rendre le permis unique plus compétitif, le Parlement européen propose, au printemps 2023, une simplification des démarches, et surtout, une réduction des délais de traitement de 4 mois à 90 jours. Des parlementaires proposent même de réduire les délais à 45 jours. Le Parlement européen propose également de ne plus lier le permis unique à un employeur, mais de laisser le travailleur étranger libre de changer de poste. Il pourrait également conserver son permis même en cas de chômage (jusqu'à 9 mois). Les négociations sont toujours en cours pour réformer le permis unique, et faciliter l'embauche des travailleurs non européens.

Réaction des entreprises et des syndicats

D'après Euroactiv, le média indépendant spécialisé sur les questions européennes, les entreprises ont accueilli plutôt favorablement les propositions de la Commission européenne. Inquiétude en revanche des syndicats, qui relèvent un manque de mesures concrètes pour lutter contre l'exploitation des travailleurs. Quel sera le contrôle réellement exercé sur les entreprises ? Avec quelles sanctions ? Ils redoutent également des mesures qui favoriseraient l'embauche des travailleurs non européens à des prix toujours plus bas. Les syndicats rappellent que les travailleurs non européens doivent avoir les mêmes droits que les travailleurs européens. Ils appellent la Commission à améliorer ses mesures.