Demandes de visas rejetées : le défi des étudiants originaires d'Afrique

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Publié le 2023-08-07 à 14:00 par Ameerah Arjanee
Dans de nombreux pays occidentaux, les étudiants originaires des pays d'Afrique sont confrontés à des taux de refus de visa supérieurs de 30 à 50 %. Les données du Canada, des États-Unis et de la France montrent des taux d'acceptation de visa extrêmement différents pour les étudiants étrangers provenant de différentes parties du monde - même lorsqu'ils ont été acceptés par des universités reconnues. Ceux d'Europe et d'Amérique du Nord sont rarement refusés, ceux d'Asie et d'Amérique latine ont un taux de refus de visa plus élevé, tandis que plus de la moitié des Africains qualifiés ne parviennent pas à obtenir un visa. Les Africains doivent souvent fournir davantage de documents avec leur demande de visa et sont confrontés à des soupçons racistes des agents chargés d'octroyer des visas.

Plus de la moitié des demandes de visas d'étudiants africains ont été rejetées en 2022 

En début d'année, la plateforme américaine d'éducation internationale « Shorelight » a analysé les données du gouvernement américain concernant les taux d'acceptation des visas d'étudiants. Les résultats sont pour le moins choquants : 54 % (soit la majorité) des étudiants africains faisant une demande pour un visa d'études de longue durée de type F-1 ont été mis à l'écart, même lorsque leur candidature avait été acceptée par une université américaine accréditée.

La comparaison avec les étudiants européens est criante. Seuls 9 % des Européens ont été mis à l'écart pour le même visa de non-immigrant. Le taux de rejet des demandes de visa faites par des étudiants sud-américains était également élevé (31 %), mais pas autant que celui des Africains. Le taux de rejet des visas F-1 a augmenté en général en 2022, mais il a touché les Africains plus que tout autre groupe démographique.

Les étudiants originaires des pays moins riches d'Afrique de l'Ouest ont été davantage tenus à l'écart que ceux des pays plus aisés d'Afrique australe. La partie méridionale du continent compte de nombreux pays à revenu moyen supérieur comme l'Afrique du Sud, l'île Maurice et la Namibie, pour lesquels le taux de rejet est assez faible (16 %). Dans les autres régions d'Afrique, ce taux est plus proche de 70 %. Cela signifie que 3 jeunes sur 4 originaires de ces pays, ayant les qualifications et la volonté d'étudier aux États-Unis, sont privés de la possibilité d'atteindre leurs objectifs faute d'un visa adéquat.

Ce problème ne se limite pas aux États-Unis. Le Canada et la France présentent le même schéma de refus de visas étudiants. Au Canada, les Africains francophones sont les plus pénalisés. Ils semblent être discriminés par des fonctionnaires chargés de l'octroi des visas en raison de leur pays d'origine et de leur langue, ce qui est en contradiction avec les efforts déployés par le Canada pour attirer davantage d'immigrants francophones.

En France, environ 30 % des demandes de visas d'étudiants originaires d'Afrique sont rejetées chaque année, contre un taux de rejet d'environ 15 % pour l'ensemble des demandeurs. Ironiquement, ce taux est le plus élevé pour les anciennes colonies de la France avec lesquelles elle entretient une forte relation culturelle et diasporique. Le taux de rejet pour l'Algérie et le Sénégal avoisine les 50 %. Certains de ces étudiants se sont d'ailleurs plaints du fait que les frais de demande de visa en euros qu'ils avaient payés à grands frais ne leur ont pas été remboursés après le rejet de leur demande.

Le site Web « University World News » rapporte que l'autorité canadienne de l'immigration, l'IRCC, a rejeté près de 60 % des demandes de visas d'étudiants soumises par des Africains anglophones et près de 75 % des demandes d'étudiants africains francophones. Certaines universités francophones du Québec s'inquiètent du fait qu'elles perdent ainsi des étudiants de valeur ainsi que les fonds que ces étudiants auraient apportés par le biais de leurs frais de scolarité internationaux élevés.

Ces universités considèrent que tout cela est incohérent avec l'objectif de l'IRCC d'accueillir près de 500 000 nouveaux immigrants par an, y compris davantage d'immigrants francophones. L'Afrique abrite la plus grande population de jeunes ainsi que la plus grande population de francophones de la planète. Ces caractéristiques correspondent aux priorités du Canada en matière d'immigration, et il n'est donc pas logique que la procédure d'obtention d'un visa soit beaucoup plus difficile pour les Africains que pour les autres immigrants. 

Rejet des demandes de visas pour des motifs bancals 

La liste des documents à joindre à une demande de visa varie en fonction du pays du demandeur. Malheureusement, les étudiants africains doivent souvent joindre davantage de documents que la moyenne des demandeurs.

Ils doivent prouver qu'ils ont les moyens de financer leurs études et fournir diverses preuves de vaccination. Leurs demandes sont parfois rejetées s'ils ne possèdent pas de propriété à leur nom comme preuve de stabilité financière, ce qui est injuste à attendre de très jeunes adultes. En outre, lors des entretiens pour l'obtention d'un visa, ils ont tendance à être interrogés plus sévèrement que les autres sur le but de leurs études et leur engagement à retourner dans leur pays après l'obtention de leur diplôme. 

Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration - le « Standing Committee on Citizenship and Immigration » (SCCI) - de la Chambre des communes du Canada a étudié la question et a mis en évidence un racisme systémique de la part des fonctionnaires chargés de l'octroi des visas au sein de l'IRCC. Dans de nombreux cas, des étudiants africains dont tous les documents sont en ordre sont rejetés pour des raisons bancales et hautement subjectives. Par exemple, l'agent des visas peut estimer que le cursus de l'étudiant n'a aucun rapport avec son expérience professionnelle antérieure et rejeter sa demande. Il peut soupçonner le demandeur d'avoir choisi un cours uniquement pour pouvoir entrer au Canada afin d'y travailler - même s'il n'en a pas la preuve définitive. Ils ont également découvert l'utilisation d'insultes racistes par certains fonctionnaires de l'IRCC, comme l'expression « les 30 sales » pour désigner les pays africains.

Pour rappel, il est tout à fait légitime de cocher l'option « double intention » sur votre demande de visa canadien. Cela signifie que vous avez l'intention d'étudier et de demander ensuite un visa de travail. Pourtant, les fonctionnaires chargés des visas ont tendance à rejeter automatiquement les demandes des étudiants africains qui choisissent l'option « double intention ». L'IRCC a réagi aux conclusions du SCCI en déclarant qu'il avait créé un groupe de travail pour lutter contre le racisme au sein de son institution. Cette étude étant très récente, il faudra donc attendre pour voir si le groupe de travail parvient à faire baisser le taux de rejet auprès des étudiants africains.

Aux États-Unis, un rapport conjoint publié par la plateforme « Shorelight » et la « Presidents' Alliance on Higher Education » a abouti à des conclusions similaires à celles du Canada. Paul Zeleza de l'université Case Western, qui fait partie de la « Presidents' Alliance on Higher Education », a déclaré à « University World News » que le personnel consulaire américain a tendance à traiter les étudiants africains issus de milieux plus modestes avec méfiance, même s'ils ont obtenu une aide financière de l'université américaine dans laquelle ils ont été admis. Il recommande aux universités de fournir à ces étudiants des lettres de soutien et des témoignages supplémentaires pour les aider à faire face aux préjugés des fonctionnaires chargés de l'octroi des visas. Rajika Bhandari, co-auteur du rapport, conseille au personnel consulaire de cesser de spéculer sur les intentions des candidats ou de leur demander des informations inutiles lors des entretiens.