Risque de récession en Europe : quel impact pour les expatriés ?

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Publié le 2022-08-30 à 14:00 par Asaël Häzaq
La lutte contre l'inflation « va faire souffrir les ménages et entreprises ». Vendredi 26 août, le président de la Banque centrale américaine (FED) Jerome Powell annonce un avenir difficile pour des millions d'Américains. Des difficultés à venir qui menacent aussi l'Europe. Pour l'instant, elle échappe encore à la récession. Mais les mauvais signaux s'accumulent. L'hiver s'annonce froid, et pas simplement côté températures. La dégradation des économies européennes fait craindre de plus en plus une entrée en récession. Comment les expatriés et futurs expatriés vivent-ils cette situation ? 

L'Europe entrera-t-elle en récession ?

Les expatriés se divisent sur la question. Les uns pensent que « c'est le début de la fin », ou plutôt « les suites de la Covid » et n'ont pas beaucoup d'espoir pour l'avenir. « On est sous perfusion depuis deux ans, lâche un salarié expatrié en Grèce. Depuis trop longtemps, même. » « Oui, c'est la récession. » « On ne pense pas aux petites retraites, aux petits revenus. Comment on va survivre ? ». D'autres restent optimistes : « Les politiques aiment nous faire peur, mais on ne va pas mourir de froid. » Mais quels sont ceux qui passeront l'hiver au chaud ? Quels sont ceux qui auront froid ? Combien de personnes la crise a-t-elle laissées au bord du chemin ?

Les résultats de l'indice PMI de S&P Global inquiètent. L'entreprise américaine, spécialiste de l'analyse financière, a livré les derniers chiffres de l'activité économique de la zone euro. Elle s'est de nouveau contractée en août. Elle s'était déjà contractée en juillet. L'indice est à son plus bas niveau depuis un an et demi (49,2 points). Principales causes de la baisse : les difficultés des industries françaises et allemandes, qui dévissent alors que celles des autres pays progressent légèrement.

Mais le problème est plus global. Personne n'avait pensé que la guerre en Ukraine durerait aussi longtemps. Le président russe souffle le chaud et le froid avec son gaz. L'Europe a fait des réserves pour l'hiver (environ 80 % du stock serait atteint), mais ne pourra tenir que quelques mois. De plus, combien coûterait ce gaz ? Certaines entreprises freinent déjà leur production à cause de l'envolée du coût de l'énergie. Expatriés et locaux redoutent une flambée de leurs factures de gaz et d'électricité. Des hausses qui entraîneraient une nouvelle baisse du pouvoir d'achat.

Pourra-t-on se chauffer cet hiver ?

Jean-Luc, résident en Allemagne, s'exprime sur le forum Expat.com : « Mon contrat de gaz a changé. Avant, les prix étaient garantis un an. Maintenant c'est 3 mois. Les prix sont passés de 112 euros à 160 euros mensuels depuis le 1er août. » Fvernez, qui vit en Bulgarie, constate aussi une hausse des prix de l'énergie. « Selon l'indice de la consommation, on serait à 17 % d'inflation.  Mais j'ai remarqué que c'est plutôt autour des 25 à 30 % : essence à +80 %, l'électricité x 3, bois de feu x 3 ».

Les travailleurs expatriés constatent qu'ils n'arrivent plus à s'en sortir. Milko di Fiore partage le témoignage de son petit ami, qui vit et travaille au Royaume-Uni. « […] C'est hallucinant : c'est comme si ça ne suffisait pas après le Brexit et les 2 ans du Covid, la facture électricité mensuelle  [de mon copain] a explosé (de 60 à 130 livres sterling, soit, d'environ 70 à 153 euros). [...] Et ils attendent une autre augmentation en début d'année 2023 […]. » Milko di Fiore craint de nouvelles grandes manifestations. Le royaume traverse l'une de ses plus grandes crises sociales. En juin, plusieurs milliers de personnes ont manifesté à Londres, contre la vie chère. Ces derniers jours, dockers, cheminots, postiers, avocats, éboueurs, agents télécoms... tous les corps de métiers débrayent pour protester contre la baisse du pouvoir d'achat. L'inflation a dépassé les 10 % le mois dernier. C'est la crise de trop pour une population excédée par les errances du gouvernement. Personne ne veut entendre parler de récession. Ailleurs en Europe, les populations pressent leurs gouvernements d'agir, et vite.

Où s'expatrier en Europe ?

Où s'expatrier pour retrouver du pouvoir d'achat ? En juillet, le taux d'inflation annuel dans la zone euro a dépassé les 8 % (8,9%). L'Estonie affiche le taux le plus élevé avec 22,7 %. La Lettonie, la Lituanie et la République tchèque ont également des taux supérieurs à 15 %. En Pologne, aux Pays-Bas, en Belgique ou en Grèce, l'inflation se situe entre 10 et 15 %. C'est 9,4 % au Portugal, 8,5 % en Allemagne, 7,9 % en Finlande. La France et Malte affichent les taux les plus faibles : 6,8 et 6,5 %. Mais en décembre 2021, ces taux étaient divisés par 2. C'est ce qui inquiète les dirigeants et les candidats à l'expatriation, quelle que soit leur situation. La menace d'une récession se fait de plus en plus sentir. Impacte-t-elle les projets de vie à l'étranger ?

Ces futurs expatriés qui maintiennent leurs projets

Marie et Pierre s'informent sur le forum d'Expat.com. « Nous serons retraités dès 2023 et après plusieurs séjours au Portugal, nous comptons nous y installer. ». Régis aussi prend sa retraite en 2023, mais a choisi l'Espagne. Malgré la crise, le Portugal et l'Espagne restent les destinations préférées des retraités qui immigrent à l'étranger.

C'est particulièrement vrai pour le Portugal, qui attire bien au-delà des frontières de l'Europe. Les Californiens lui trouvent toutes les qualités du monde et sont de plus en plus nombreux à s'y installer. Selon le Service des étrangers et des frontières (SEF), 6921 Américains ont immigré au Portugal en 2021. Ils étaient 4768 un an plus tôt. Soit 2000 immigrés de plus en un an, malgré la crise sanitaire. L'inflation ne semble pas freiner les projets de départ, du moins pour l'instant. Ceux qui partent apprécient le cadre de vie du Portugal, proche de la Californie, pour un coût de la vie bien plus intéressant.

Au Portugal, tout est environ 40 % moins cher qu'en Californie. Les Américains profitent de la fiscalité avantageuse du Portugal et de sa politique de visas. Le pays maintient le golden visa, malgré les pressions de la Commission européenne. Ces expatriés, qu'ils soient retraités ou non, ont aussi plus de moyens, et ça se voit sur les prix de l'immobilier portugais. Certains quartiers sont devenus inaccessibles aux locaux. L'immobilier flambe, l'extrême droite progresse et inquiète… De quoi corner la carte postale portugaise.

Ces futurs expatriés qui s'inquiètent

Bart travaille dans la restauration et souhaitait immigrer en Italie. « Un projet né pendant la Covid », explique-t-il. Bart apprend l'italien et retourne à l'école « à 35 ans, c'est dur ». S'il a l'expérience, il veut avoir des diplômes pour mettre toutes les chances de son côté. Mais le budget mis de côté ne suffit plus à voyager. Et le cœur n'y est plus. « Ça craint. Des grèves partout, la pauvreté partout, l'extrême droite en Italie… Avant, je m'en fichais, mais maintenant… Même si ce n'est pas fameux, je reste en France pour l'instant. » 

Nathalie, elle, maintient son projet d'expatriation en Espagne. Pragmatique, elle veut choisir une région où elle aura plus de chances de trouver un emploi. Elle cherche de l'aide sur le forum Expat.com : « […] Quels sont les quartiers à éviter, ceux à privilégier, pour l'école, le travail, les activités… ? » Alex penche plutôt pour les Pays-Bas, avec une expatriation prévue en 2023. « J'ai pas mal d'expérience dans la restauration et dans le service en général et j'ai un BTS management commercial opérationnel. [...] » Comme pour Nathalie, la question de l'emploi l'inquiète. « Est-ce qu'on trouve du travail et un logement assez facilement […] ?  Quel est le coût de la vie… ? »

« N'oubliez pas les expatriés pauvres ! » rappelle un couple de retraités français partis vivre en Grèce. Depuis la Covid, le nombre d'expatriés en difficulté est en hausse. Pensions non revalorisées, hausse du coût de la vie… De nombreux retraités suisses ont quitté leur pays pour fuir la précarité. Leur pension ne leur permettait pas de bien vivre en Suisse, mais était suffisante pour la France ou la République tchèque. La menace de récession vient compliquer le quotidien à l'étranger.

Risque de récession : envisager l'avenir

Loin de l'insouciance, les futurs expatriés pèsent encore plus qu'avant le pour et le contre. Les crises se succèdent, et les entreprises ne suivent plus forcément. Les entrepreneurs expatriés contraints de fermer boutique peuvent témoigner. Ils recommenceront certainement ailleurs, mais quand ? « C'est dur quand on a une petite structure. » « Les aides ne suffisent pas, et ne sont pas éternelles ». Pour les experts, la solution serait un retour à la normale sur la scène internationale : le retrait des forces russes, la libération de l'Ukraine, la reprise des échanges économiques sereins.