Expatriation à Montréal pendant la crise : une jeune française raconte

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Publié le 2021-02-17 à 09:00 par Veedushi
Bientôt 8 mois depuis qu'Anaïs, une jeune française, a posé ses valises dans la ville de Montréal, au Canada. Il s'agit d'une installation plutôt particulière puisqu'elle a choisi de partir en famille, notamment avec son époux et leurs deux enfants, en pleine crise sanitaire. Elle nous parle de son expérience, de la quarantaine et de la situation dans son pays de cœur.

Pouvez-vous vous présenter brièvement et nous parler de votre parcours ?

Je m'appelle Anaïs, j'ai 29 ans, originaire d'Île de France, je suis infirmière en onco-hématologie. Mon conjoint Mathieu, 32 ans, originaire d'Auvergne, est Analyste en Assurance Qualité logiciel. Nous avons 2 enfants, Liam 5 ans et Lise 17 mois. En juin 2020, nous avons tous les 4 pris un vol sans retour direction Montréal, avec nos 6 valises et quelques bagages à main.

Qu'est-ce qui vous a amené à Montréal ? Depuis combien de temps y vivez-vous ?

Le Canada est un pays qui a toujours attiré mon conjoint. Il m'en a parlé très tôt dans notre relation mais je n'étais pas prête, et puis l'idée a germé, et en mai 2019, enceinte de Lise, je lui ai dit « Et si on partait ? ». Mathieu a été tiré au sort pour un PVT moins de 48h après son inscription ! Nous avons longuement pesé le pour et les contre de chaque ville, et puis notre choix s'est porté sur Montréal, où nous sommes installés depuis bientôt 8 mois. Nous avons fait ce choix car nous voulions vivre sans voiture, et l'idée d'avoir beaucoup d'activités, des cafés et restaurants à proximité nous plaisait. Quand on veut partir plus loin, ou sortir de la ville, on loue une voiture.

Le fait qu'il s'agisse d'une ville francophone a également été un élément décisif. Nous ne voulions pas ajouter au stress d'un changement de pays celui d'un changement de langue, pour nous, mais surtout pour les enfants.

Vous avez déménagé au Canada en pleine crise sanitaire avec vos deux enfants. Comment décririez-vous cette expérience ?

Notre départ était initialement prévu quelques jours après la fermeture des frontières du Canada, le 29 mars. Nous avons donc vécu le début de la crise sanitaire en France avec le premier confinement, sans savoir quand nous pourrions partir. Nous avions tous les deux quitté nos emplois et rendu notre bail, il était donc impensable d'annuler notre projet malgré l'incertitude de pouvoir passer la douane.

Il a fallu plusieurs semaines pour que les conditions d'immigration s'éclaircissent et qu'on soit sûrs d'être autorisés à entrer sur le territoire Canadien (nous avions tous les deux un permis de travail et des emplois qui nous attendaient sur place). Nous sommes finalement partis 3 mois après la date prévue, et on ne regrette pas d'avoir persévéré, surtout que les conditions actuelles pour s'établir au Canada sont aujourd'hui encore plus compliquées.

Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous avez dû faire face à votre arrivée ?

La partie administrative et les démarches sont déjà redoutées lors d'un tel projet, mais en pleine pandémie la difficulté est d'autant plus importante.

Par exemple, en temps normal, l'ouverture d'un compte bancaire se fait en succursale et vous obtenez à la fin du rendez-vous votre carte de débit qui permet de régler les achats en magasin. Lors de notre arrivée, les succursales étaient fermées et l'ouverture de compte n'était possible que par téléphone.

L'envoi des cartes ne pouvait se faire que par voie postale (et à ce moment-là les services de poste éprouvaient de grandes difficultés). Nous avons donc attendu longtemps avant de pouvoir utiliser un moyen de paiement canadien, et avons dû utiliser notre carte française, avec les frais que cela engendre.

En arrivant il est aussi indispensable de se créer un NAS (Numéro d'Assurance Sociale) pour être rémunéré. C'est une démarche qui en temps normal ne prend que quelques minutes mais, encore une fois, à notre arrivée tout se faisait en ligne, avec un long délai d'attente. Si pour moi cela s'est déroulé sans encombre, Mathieu a dû attendre 2 mois avant de pouvoir être rémunéré.

Une quatorzaine avec des enfants, ça a sans doute été une expérience particulière. Parlez-nous en.

Nous avons choisi un logement temporaire avec un jardin pour rendre la quatorzaine plus agréable, mais ça a malgré tout été une épreuve. L'isolement obligatoire implique l'interdiction stricte de quitter le domicile donc nous devions nous faire livrer l'épicerie. Nous avions passé commande depuis la France (c'était une des preuves à montrer à la frontière pour prouver au douanier que nous étions en mesure de respecter la quatorzaine), mais la commande n'a pas été livrée par erreur 2 jours de suite, et il était impossible de commander en livraison avec notre carte française. Heureusement le locataire habituel avait laissé un gros paquet de riz qui a fait nos repas pour 2 jours.

C'est pour Liam que la quatorzaine a été la plus dure car il était vraiment heureux d'arriver dans ce nouveau pays dont on lui parlait depuis des mois et était frustré de ne pas pouvoir l'explorer. Il a d'ailleurs subi une grosse crise d'angoisse vers la fin de la quatorzaine, dont il se souvient encore.

Vous êtes tous les deux arrivés au Canada avec un permis de travail en poche. A-t-il été facile de trouver un emploi depuis l'étranger ? Comment se porte actuellement le marché du travail montréalais ?

Nous avons la chance d'avoir deux métiers très recherchés à Montréal. Pour ma part, j'ai été sélectionnée pour un entretien aux Journées Québec à Paris le 1er décembre 2019 et j'ai signé mon contrat de travail sur place. Mathieu a également participé aux Journées Québec à deux reprises mais a finalement rejoint une firme qui l'avait contacté par LinkedIn.

Concernant nos deux emplois, la demande est toujours présente à Montréal. Ce n'est pas le cas de tous les métiers malheureusement.

Bientôt une année que vous vivez à Montréal. Comment s'est passée la transition ? Avez-vous eu du mal à vous intégrer en plein cœur de la crise ?

La transition s'est bien passée, avec ses hauts et ses bas majorés par la crise sanitaire. Nous nous sentons à notre place.

Notre intégration se fait en douceur et on a la chance de vivre cette aventure en famille. Le plus important nous l'avons donc déjà au quotidien, et nous n'avons pas le temps de nous ennuyer ! J'imagine que pour une personne seule la difficulté doit être plus forte.

Quelle est la situation actuelle à Montréal ? Comment les autorités réagissent-elles face à la pandémie ?

On descend doucement la deuxième vague à Montréal et, avec ça, les restrictions s'assouplissent petit à petit. Tous les services non essentiels étaient fermés depuis Noël, ils viennent d'ouvrir de nouveau. Les mesures prises sont très respectées et on se sent en sécurité.

Qu'en est-il de votre vie sociale ? Avez-vous eu l'occasion de vous faire de nouveaux amis ? Quel regard les Montréalais portent-ils sur les nouveaux arrivants en cette période de crise ?

Pour ma part, j'ai la chance de travailler à l'hôpital au sein d'une grande équipe donc je n'ai pas vraiment de manque d'interaction sociale. C'est plus difficile pour Mathieu qui est en télétravail depuis notre arrivée et qui a donc peu de contact extérieur. Il a pu participer à 2 entraînements de basket avant que les activités sportives ne soient plus autorisées, et il a vraiment hâte de pouvoir recommencer. Nous avions également fait quelques connaissances pendant l'été avant l'interdiction de se réunir, notamment par l'intermédiaire du travail ou des réseaux sociaux. Il n'est vraiment pas difficile de rencontrer des personnes ici. Évidemment, ces amitiés naissantes sont pour l'instant en pause, mais nous espérons pouvoir nous réunir de nouveau bientôt.

Quelques personnes se sont étonnées dans un premier temps qu'il soit encore possible d'immigrer malgré la crise sanitaire, mais quand on explique nos métiers et le fait que nous avions déjà tout quitté en France tout prend sens. Et j'ai reçu également beaucoup de remerciements de la part de Québécois, car ils manquent cruellement d'infirmières.

Vos enfants ont-ils eu du mal à s'adapter à leur nouvel environnement ? Comment se passe leur scolarité ?

Ici, l'école ne commence qu'à 5 ans. Liam ayant déjà été scolarisé 1 an en France on avait très peur qu'il vive un retour à la garderie comme une régression. La philosophie ici est bien différente. On laisse plus de temps de jeu libre aux enfants, ils sortent longtemps dehors quand le temps le permet, il y a également des apprentissages mais tout est plus ludique. Nous étions sceptiques au premier abord puis nous avons totalement adopté cette philosophie, notamment en voyant Liam s'épanouir, socialiser, apprendre à vivre avec les autres chaque jour un peu plus. Il se sent vraiment bien au Canada, et dans sa garderie.

Pour Lise nous voulions un système de garde où elle serait plus cocoonée, notamment en période de crise sanitaire où les mesures sont très strictes. Nous avons eu la chance de trouver (par l'intermédiaire d'une maman belge récemment arrivée, elle aussi) une gardienne (équivalent d'assistante maternelle) merveilleuse. Elle s'est adaptée sans aucun problème. D'ailleurs elle aura bientôt passé plus de temps ici qu'en France !

Avez-vous eu le mal du pays depuis votre installation à Montréal ? Comment avez-vous surmonté cette étape ?

Notre famille et nos amis nous manquent énormément. C'est, bien sûr, quelque chose qu'on avait anticipé, mais nous pensions pouvoir rapidement les accueillir, ce qui n'est pas le cas. Le plus dur est de ne pas savoir quand ils pourront enfin venir nous rendre visite. Et il est, pour nous, impensable de séjourner en France tant qu'il est question de quatorzaine au retour.

Nous appelons très régulièrement nos proches, on les voit en visio, on reçoit également énormément de lettres et de colis et cela suffit pour le moment à nous faire surmonter l'attente. En revanche, nous n'avons pas ressenti de manque lié à la France en elle-même (si on excepte le fromage !).

Avez-vous des conseils à donner aux personnes qui souhaiteraient s'expatrier au Canada pendant la crise ?

S'armer de courage et ne pas baisser les bras ! Il est vrai que cela rajoute des difficultés mais le jeu en vaut la chandelle ! Il faut surtout bien se mettre à jour sur les conditions d'immigration, et utiliser des sources fiables pour se renseigner. Et le plus important, il faut s'écouter !

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