Année sabbatique à l'étranger : pourquoi et comment en profiter ?

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Publié le 2024-04-12 à 10:00 par Asaël Häzaq
On dit qu'elle « forme la jeunesse », participe au développement personnel et prépare autrement à la vie active. L'année sabbatique peut être aussi une première expatriation. Plébiscitée dans plusieurs pays, la culture de l'année sabbatique est pourtant loin d'être répandue partout. D'autres États craignent le « trou » dans le CV et autres « mauvaises impressions » pour les recruteurs. Tour d'horizon.

L'année sabbatique, tremplin vers l'expatriation

Dans les pays nordiques, en Australie, au Danemark, en Allemagne, au Royaume-Uni ou en Irlande, l'année sabbatique fait plutôt partie de la culture. On constate bien sûr des variations selon les pays et les années ; au Danemark, par exemple, le nombre de jeunes partant en année sabbatique tendrait à diminuer. Mais la culture est là. Il est plus simple, dans ces pays, de prendre une année sabbatique. Le système éducatif accorde davantage de place à ces pauses ; les parents ont aussi intégré leurs avantages.

Dans les faits, on constate que cette année sabbatique est fréquemment utilisée pour partir à l'étranger. Occasion pour les jeunes voyageurs d'expérimenter l'expatriation, souvent pour la première fois. C'est aussi pour eux l'occasion de découvrir un nouvel univers professionnel, à moins qu'ils ne choisissent de travailler dans leur secteur d'études. Dans tous les cas, les voyageurs rencontrent une nouvelle culture, un nouveau mode de vie, une organisation du travail différente. Plusieurs options d'expatriation s'offrent aux voyageurs, notamment les missions de solidarité internationale et le visa vacances-travail (working holiday visa).

Volontariat International et Volontariat de solidarité international

Il est possible d'effectuer une mission de volontariat à l'étranger à travers plusieurs organismes. Le Volontariat International (VI) permet aux jeunes ressortissants de l'Espace économique européen (EEE) âgés de 18 à 28 ans de partir travailler à l'étranger 6 à 24 mois. Il ne s'agit pas d'une mission bénévole, mais d'une mission rémunérée au sein d'une entreprise ou d'une administration (indemnité forfaitaire).

Autre dispositif, le Volontariat de solidarité internationale (VSI) permet aux voyageurs d'effectuer une mission à l'étranger auprès d'un organisme agréé. Là encore, il s'agit d'une mission rémunérée. Contrairement au VI, il n'y a aucune condition d'âge ou de nationalité pour le VSI. Par contre, le VSI est plutôt destiné aux diplômés ayant eu une première expérience professionnelle. Les missions en VSI se retrouvent notamment dans le domaine de la santé, de l'enseignement, du développement urbain et rural, et des actions d'urgence. À contrario, le VI accepte tous les types de profils et d'expérience.

Permis vacances-travail (Working holiday visa)

Permis unique en son genre, le PVT (permis vacances-travail) permet aux personnes éligibles de partir à l'étranger, généralement pour un an. Il est donc tout à fait possible de profiter de l'année sabbatique pour partir en PVT. Les personnes éligibles au permis doivent généralement avoir entre 18 et 30 ans. Des exceptions existent pour certaines nationalités. Par exemple, les ressortissants français peuvent faire une demande de PVT en Australie ou au Canada jusqu'à leurs 35 ans. On rappelle que le PVT résulte d'un accord bilatéral entre les États partenaires. Ce sont ces accords qui fixent les conditions d'éligibilité. Ceci explique que les destinations sont accessibles en fonction de la nationalité ; même règle pour la durée du PVT. Côté avantages, le PVT permet de voyager, vivre et travailler dans le pays d'expatriation durant 1 an (en général, ou plus, selon l'accord bilatéral). Il est également possible de suivre des cours de langue. Depuis la réouverture des frontières, les États bataillent pour retrouver, et même dépasser leur nombre de pvtistes d'avant COVID.

Avantages de l'année sabbatique à l'étranger

Il existe des avantages nombreux, tant sur le plan social que sur le plan professionnel. Prise généralement entre la fin d'un cycle et le début d'un second, l'année sabbatique est une occasion unique d'apprendre autrement. L'année sabbatique est tout sauf une année d'oisiveté. C'est plutôt une aventure faite de nouvelles expériences et de rencontres.

Sur le plan professionnel aussi, l'année sabbatique n'a, pour ses partisans, que du positif. Les jeunes qui décident de partir à l'étranger emmagasinent une expérience unique. Ils deviennent plus indépendants et autonomes, décrochent un emploi, se confrontent à une autre culture, au monde du travail, apprennent une langue. La crise sanitaire a relancé ce goût pour la césure, et pas seulement pour les jeunes adultes.

Une année sabbatique pas si automatique

Le bonheur de l'année sabbatique, la France le cherche encore. Comme la Belgique, la République tchèque, la Bulgarie, la Corée du Sud ou le Japon, elle n'est pas du tout rompue à l'exercice. Aux États-Unis aussi, prendre une année off « sans raison valable » pose encore question, même si la césure gagne très doucement du terrain. L'expatriation, la découverte de soi et toutes les valeurs positives des rencontres et du voyage n'entrent pas dans le compte des raisons valables. Pour ces pays, l'année sabbatique est surtout vue comme une année perdue.

Là encore, les systèmes éducatifs et la culture jouent un grand rôle. En France ou au Japon, par exemple, le parcours scolaire est tracé depuis l'entrée en primaire. Dès le lycée, les élèves doivent se positionner sur leur orientation. C'est la première pression. La pression continue à la fin du lycée. Il faut obtenir les meilleurs résultats pour décrocher sa place dans l'enseignement supérieur. Au Japon, les entretiens d'embauche commencent durant les dernières années d'études ; les entreprises viennent recruter les meilleurs éléments avant que l'étudiant n'ait son diplôme. Insérer une année sabbatique durant cette période pour partir à l'étranger est une mission quasi impossible.

Année sabbatique subie ou choisie ?

Il faut aussi se demander si l'année sabbatique est réellement voulue. Il arrive en effet qu'elle soit davantage subie que choisie. C'est le cas de l'étudiant n'ayant pas été retenu dans la filière de son choix. Bien que subie, cette année sabbatique peut être mise à profit pour augmenter ses chances de réussite. L'étudiant comble ses lacunes, apprend une langue à l'étranger, entreprend une formation, etc. pour espérer intégrer la filière de son choix l'année suivante. C'est une autre manière de rester dans la vie active.

Une expatriation trop précoce ?

Pourquoi tant de réticences ? Les parents et professionnels voient souvent d'un mauvais œil que le jeune profite d'une année sabbatique pour s'expatrier. Partir travailler à l'étranger pour un stage ne pose en revanche aucun problème, car le jeune reste dans le cadre de ses études. Mais « poser une année off » comme on pose un congé interroge les sceptiques, qui voient surtout une manière d'échapper à ses responsabilités pour vivre « une aventure ». Les parents craignent que leur enfant « décroche » durant son année off. Un décrochage qu'il paierait « toute sa vie », incapable de « se reprendre » dans les études ou au travail, incapable d'expliquer le « trou » dans son CV, définitivement rejeté du monde du travail et de la carrière professionnelle.

La crainte du « CV à trou » est encore vive, tant chez les personnes restant travailler dans leur pays que chez les expatriés. Pour ces derniers se pose en plus la question de l'adaptation à la culture du pays étranger. En Corée du Sud ou au Japon, par exemple, le CV est un formulaire ; il n'y a pas de place pour expliquer son cursus. Tout juste peut-on lister année par année son parcours. La culture française prône également le « CV sans trou » même si en pratique, les choses avancent vers un plus grand intérêt porté à la personnalité du candidat. C'est justement là que l'expatrié peut jouer ses cartes.

Vers une reconnaissance des avantages de l'année sabbatique ?

Dans les pays plutôt réfractaires à l'année off, on estime que s'arrêter est une marque de faiblesse et révèle une personnalité peu motivée. Au contraire, les cultures prônant l'année sabbatique insistent sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un simple arrêt. La personne en année de césure est toujours active, mais d'une autre manière. Elle part à la découverte d'autres pays, à la rencontre d'autres populations et cultures. Elle découvre de nouveaux métiers ou d'autres manières d'exercer la profession qu'elle voudrait entreprendre. De ces expériences ressortent de véritables compétences techniques (hard skills) et sociales (soft skills).

Le vent commence à tourner, même dans les pays n'ayant pas une culture de l'année sabbatique. En France ou aux États-Unis, on s'attarde davantage sur les CV atypiques. Le « trou » dans le CV n'est plus une tare, mais un atout. À l'heure où les soft skills sont autant valorisées que les hard skills, le profil des expatriés intéresse les universités et les entreprises. C'est que l'expatriation développe de nombreuses capacités. Le voyageur découvre et intègre une nouvelle culture, des nouvelles normes et valeurs, des façons de penser et de travailler. Il les met en balance avec son propre bagage et adapte son comportement. Il apprend une nouvelle langue, intègre de nouveaux codes. Il se remet en question, apprend à déconstruire et à reconstruire. Toutes ces facultés sont très prisées dans un monde qui fait la part belle au travail en équipe, à la recherche du compromis, à la maîtrise de la négociation, ou encore, au travail en autonomie.

Même les salariés s'y sont mis. Le congé sabbatique, bien qu'étant sujet à débat (les mêmes que ceux entourant l'année sabbatique), gagne en popularité. Les salariés veulent se redéfinir, embrasser d'autres projets professionnels, tenter une expatriation. L'année sabbatique n'a pas fini de faire parler d'elle.