Expatriation intra-continent : Où est-il le plus facile de partir ?

Vie pratique
  • jeune femme tendant son passeport
    Shutterstock.com
Publié le 2022-03-21 à 10:03 par Asaël Häzaq
Partir au bout du monde ou dans le pays d'à côté ? Les expatriations « longue distance » ont toujours été devancées par les expatriations intra-continent. Pour les candidats au grand départ, ces expatriations au sein du continent semblent même encore plus populaires depuis la crise sanitaire. Dans quelles régions du monde ces expatriations sont-elles les plus faciles à faire ? Quels sont les avantages à émigrer vers un pays proche du sien ?

Émigrer dans un pays de l'Union européenne

L'Union européenne (UE) offre peut-être l'un des meilleurs cadres pour l'expatriation intra-continent. En effet, posséder la nationalité d'un pays membre confère de fait la nationalité européenne. Il est donc possible d'émigrer dans un autre pays de l'UE sans faire de visa. Même simplicité pour aller faire ses études ou prendre sa retraite. En pratique, le candidat à l'expatriation pourra séjourner 3 mois sans obligation d'enregistrement. Seule condition : posséder une carte d'identité ou un passeport valide. Contrairement aux émigrations hors UE, un citoyen européen peut aller chercher du travail ailleurs en UE sans autre document que ses papiers d'identité.

Pour séjourner plus de trois mois, là encore, pas de complications administratives. Il suffit de se rendre devant une autorité locale (mairie ou commissariat) qui délivrera une attestation d'enregistrement. Le demandeur présente ses papiers d'identité, ainsi qu'un autre document selon le motif du prolongement du séjour. Les salariés apporteront une attestation d'emploi ou une confirmation de recrutement. Les travailleurs indépendants délivreront un document prouvant leur statut. Les retraités fourniront une attestation d'assurance maladie, et la preuve qu'ils peuvent subvenir à leurs besoins ; ils auront également signalé à leur caisse de retraite leur projet de départ à l'étranger. Les étudiants donneront une attestation d'inscription dans « un établissement d'enseignement agrée », leurs documents d'assurance maladie, ainsi qu'une preuve attestant qu'ils auront les ressources nécessaires pour vivre sur place. L'attestation reçue par le demandeur a « une durée de validité illimitée ». Le nouveau résidant signalera juste tout changement d'adresse.

Liberté de circulation et aides sociales

En plus des avantages conférés par la double citoyenneté, les accords de Schengen assurent la libre circulation des individus au sein de l'espace Schengen. Tous les pays de l'UE ont signé l'accord de libre circulation, excepté l'Irlande. L'Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein sont les 4 pays non-membres de l'UE mais signataires de l'accord.

La citoyenneté européenne et la libre circulation confèrent d'autres avantages, comme l'octroi d'aides sociales ou de bourses d'études. Il peut être également plus simple d'émigrer dans un État à la culture sensiblement proche de la nôtre. Enfin, la proximité géographique joue également un grand rôle dans l'expatriation intra-continent (et un plus grand rôle encore depuis la crise sanitaire). Près de la moitié des Français de l'étranger réside dans un autre pays de l'UE. Partir, oui, mais pas au bout du monde.

L'Union Africaine : vers une libre circulation totale pour les Africains ?

2063. C'est l'horizon que se fixe l'Union Africaine pour atteindre une pleine union politique et économique, concrétisée par une libre circulation des personnes au sein du continent. Le cercle vertueux ainsi crée serait lui aussi unique au monde. Pour atteindre cet objectif, l'Union Africaine (UA) mise sur la suppression des visas et l'allègement des formalités pour les citoyens africains. En 2019, la Commission de l'Union Africaine (UA) et la Banque africaine de développement (BAD) établissent une étude sur l'indice d'ouverture sur les visas en Afrique. Ils notent que « pour la première fois, les voyageurs africains ont un accès simplifié à plus de la moitié du continent ». Un succès pour l'UA, pour qui l'ouverture des frontières est l'une des clés de la croissance économique durable. Une analyse que partage Akinwumi Adesina, président de la BAD depuis 2015 : « la libre circulation des personnes, et en particulier la mobilité de la main-d'œuvre, sont cruciales pour promouvoir les investissements » déclare-t-il dans l'étude.

Enjeux de la libre circulation des personnes en Afrique

Alors que la Covid tend à freiner les avancées en la matière, l'UA rappelle l'urgence, pour les pays d'Afrique, à ratifier le Protocole sur la libre circulation des personnes (PLCP). Le Rapport 2021 sur l'ouverture des visas en Afrique rapporte qu'à ce jour, 33 pays ont signé le PLCP, soit 61% des pays. Mais seuls 4 l'ont ratifié (Mali, Niger, Rwanda et Sâo Tomé-et-Principe). Or, il faut 15 ratifications minimum pour que le Protocole entre en vigueur. En 2021, 24% des pays permettaient aux citoyens d'un pays d'Afrique d'obtenir un visa à l'arrivée sur le territoire d'un autre pays africain. Un chiffre en baisse de 4 points par rapport à 2020. En parallèle, plus de pays demandent un visa : 51% en 2021, contre 46% en 2020. 24 pays proposent le e-visa, comme la Zambie, la Tunisie, l'Angola ou l'Egypte. Le Bénin, les Seychelles et la Gambie s'ouvrent sans visa à tous les autres pays d'Afrique. Les autres États (Sénégal, Ghana, Maurice, Maroc, Algérie…) limitent leur ouverture sans visa à certains pays.

Dans le Rapport 2021, Monique Nsanzabaganwa, vice-présidente de la Commission de l'Union Africaine appelle à un renforcement des mesures facilitant les expatriations intra-continent : « Il est possible de faire beaucoup plus pour réduire la bureaucratie, aborder les questions de sécurité et simplifier la procédure d'obtention des visas afin de favoriser la libre circulation des Africains ». Pour ce faire, trois piliers : le Protocole sur la libre circulation des personnes (PLCP), la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) (signé par 38 pays, soit 70%) et le Marché unique du transport aérien africain (MUTAA) signé par 34 pays, soit 63%. Pour les défenseurs du libre-échange, la prospérité économique et sociale du continent africain passe par ces trois piliers. Plus il y aura de pays signataires, plus l'expatriation intra-continent sera facilitée. Pour Monique Nsanzabaganwa, « il y a plus que jamais urgence à renforcer la liberté des Africains pour leur permettre de se déplacer sur leur propre continent. Il est également plus que jamais urgent que davantage de pays signent et ratifient le Protocole sur la libre circulation des personnes. »

Accords bilatéraux États-Unis/Canada 

Moins étendus qu'en UE ou en UA, les accords entre les États-Unis et le Canada permettent aux citoyens d'un ou de l'autre pays de passer la frontière sans visa. Condition : avoir un passeport valide. Mais pour séjourner durablement, un visa s'impose. Beaucoup de Canadiens ayant de la famille aux États-Unis passent par le regroupement familial pour venir sur le territoire. La procédure est en effet simplifiée pour les citoyens américains. Les Canadiens concernés peuvent ainsi obtenir leur Green Card et devenir des résidents permanents (Legal Permanent Residents). Autre option : le sponsoring d'une entreprise américaine. Les candidats entrant dans les catégories EB1 (très hautes qualifications en sciences, économie, professorat, arts, sport, recherche), EB2 (compétences spécifiques dans les arts, l'économie, la science…) ou EB3 (autres personnels qualifiés).

Pour les Américains souhaitant travailler au Canada, le visa express est l'option la plus simple. Comme son nom l'indique, il permet une procédure accélérée (6 mois, voire moins) pour immigrer au Canada. Réservé à certains pays, dont les États-Unis, il comprend 3 programmes : le « federal skilled worker program » concerne les travailleurs qualifiés ayant eu une expérience à l'étranger. Le « Canadian experience class » est réservé aux candidats ayant déjà travaillé au Canada. Le « federal skilled trades program » concerne les travailleurs ayant des qualifications spécifiques dans un domaine professionnel.

3 autres visas permettent aux Américains de venir travailler au Canada. Le « North American Free Trade Agreement (NAFTA) work permit » est un accord signé entre le Canada, les États-Unis et le Mexique offrant un programme de mobilité internationale et facilitant les transferts de salariés d'une entreprise vers sa succursale dans l'un des pays signataires. L'« Employer specific work permit » permet à un employeur canadien de recruter un étranger pour un poste spécifique s'il atteste n'avoir pas trouvé de salarié canadien pour ledit poste. Ce permis est lié à un emploi spécifique. Tout changement de poste nécessitera donc l'obtention d'un nouveau permis de travail. Enfin, le « Spousal open work permit » est visa ouvert et illimité permettant au conjoint d'une personne de nationalité canadienne de travailler au Canada.

Avantages de l'expatriation intra-continent

Outre les facilités administratives, l'expatriation intra-continent est souvent moins stressante qu'une expatriation longue distance. Le futur grand voyageur peut plus aisément se rendre dans le pays choisi, voire, y vivre quelques mois pour tester sa potentielle future vie. Il est aussi plus simple d'envisager une expatriation familiale. Les pays proches peuvent partager une culture, voire une langue commune. À l'heure de la Covid, les familles privilégient également les distances plus courtes, pour faciliter les allers-retours dans le pays d'origine. Sur le plan pratique, le coût d'une expatriation dans un pays voisin du sien est lui aussi réduit (déménagement, installation dans le nouveau pays etc.) L'éventuel retour dans le pays d'origine s'envisage également plus sereinement. Autant d'avantages qui permettent de mieux préparer et de mieux vivre son projet de vie à l'étranger.