Interdiction aux Français de rentrer en France : entre frustration et incompréhension

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Publié le 2021-03-10 à 07:00 par Veedushi
La colère gronde auprès des expatriés français suite à la décision du gouvernement français de leur interdire de rentrer dans le pays sauf pour motif impérieux. Frustrés, certes, mais ils sont aussi animés par l'incompréhension au sujet de cette atteinte à leur droit fondamental, certains d'entre eux ayant de bonnes raisons pour pouvoir voyager en France. Ils se sont confiés à nous.

Danielle est d'origine française mais vit à Montréal, au Canada, depuis 1992. Sa mère, aujourd'hui âgée de 98 ans, étant sa seule famille en France, elle rentre donc passer une partie de l'hiver chaque année auprès d'elle. En 2020, en raison de la baisse du niveau de travail, puisqu'elle est guide touristique, elle est d'ailleurs rentrée en France pour 8 mois et demi. « En 2020, j'étais avec elle lorsque la France a été confinée le 17 mars. Cette situation a entraîné l'annulation de mon vol retour. N'ayant pas de travail en France non plus, j'ai servi comme dame de compagnie, cuisinière, ménagère, coursier, etc., tout en m'occupant de ma mère », confie-t-elle. De retour au Canada en septembre 2020, après avoir passé 2 semaines en quarantaine, elle pensait pouvoir regagner la France fin décembre pour pouvoir être à nouveau au chevet de sa mère.

Cependant, le destin en a décidé autrement. Suite à un rendez-vous médical en janvier, elle se trouve incapable de rentrer en France dans l'immédiat. La suite, on la connaît tous. « D'après les dernières règles sorties le 29 janvier, même si j'ai un passeport français, je ne suis pas autorisée à rentrer en France puisque je réside hors de l'EU. Mais ma mère vit seule avec de multiples aides journalières, et elle est de plus en plus perdue dans toute cette situation. Elle n'est pas à l'article de la mort, mais n'est plus mobile non plus ! Une note de son médecin disant que ma présence serait utile sera-t-elle acceptée comme exemption? Ou dois-je attendre son décès comme raison impérieuse ? », fulmine-t-elle. Il est impensable, pour Danielle, que la France impose une telle décision à ses citoyens. « Je pense qu'une quarantaine respectée et vérifiée de 14 jours pour tout le monde, sans passe droit, aurait été une solution idéale. Peut-être que je devrais demander à ma mère de m'assurer qu'elle sera toujours en vie dans 2 ans ».

Danielle n'est pas la seule à être ahurie par cette situation. Patrick, un Français qui va prochainement prendre sa retraite, avait prévu de voyager au Bénin du 14 au 28 mai 2021. Mais comment faire alors qu'il est interdit aux Français de rentrer ? Dans son cas, il ne s'agit pas que d'un simple voyage de tourisme. Il s'explique : « Je dois me rendre au Bénin au mois de Mai ,pour mon mariage prévu depuis bien longtemps. J'ai d'ailleurs déjà déposé un dossier auprès de l'ambassade de France ». Et d'ajouter que « J'ai saisi mon député sur le sujet. Quels sont les motifs impérieux ? Se marier, est-ce impérieux ? Pour moi, oui ! Je n'ai pas encore eu de réponse mais je compte bien en avoir une ! ». Patrick trouve inconcevable le fait que ce genre de décision ait été prise du jour au lendemain sans aucune concertation.

Un avis que partage Corinne, une Française qui est aujourd'hui résidente en Tunisie. « J'aurai pour la première fois en avril une petite fille et ma mère une arrière petite fille. Or ce motif de déplacement n'est pas officiellement reconnu comme valable pour être autorisée à rentrer en France alors qu' enterrement l'est ». Ce qui la pousse à se demander s'il est plus important et plus légitime d'assister à un enterrement que de se réjouir et être heureuse en famille à la vue d'un nouvel enfant. « On ne peut même pas procurer ce plaisir à ma mère qui a 89 ans alors que depuis plus d'une année on ne vit plus. Pas de ciné, pas de culture, pas de restaurant ».

Ils ne sont pas les seuls à se retrouver dans cette situation inconfortable. D'autres Français nous ont fait part de leur mécontentement. A l'instar de Cemal qui vit en Tunisie depuis 2012. « Mon contrat se termine fin juillet et je dois rentrer en France, mais cela, avant je dois aller chercher un appartement, je dois démarrer la SS, je dois aller faire mes contrôles de santé, etc. Il est vrai qu'il me reste encore 5 mois avant le déménagement, mais le temps passe tellement vite que je ne voudrais pas rater quelque chose. J'espère vraiment que la situation sanitaire s'améliorera d'ici quelques semaines », nous dit-il. Il déplore toutefois le fait qu'il n'ait pas encore eu de réponse positive quant à son éventuelle vaccination bien qu'il ait contacté le consulat de France à Istanbul à maintes reprises.

Mais il y a aussi ceux qui digèrent mieux cette situation même si elle leur pose certains inconvénients. Marc, un Français installé à Mayotte depuis plusieurs années, a l'habitude de rentrer en France pour les vacances. Il attend actuellement une réponse pour partir travailler en Polynésie française en septembre avec sa famille. « Il est aujourd'hui très difficile de quitter le territoire sans un motif solide, comme un rendez-vous médical sérieux, car les autorités vérifient. De plus, 7 jours avant le départ, il est demandé de fournir tous les justificatifs à la préfecture qui donne son accord ou pas au départ. La compagnie unique, qui pratique des tarifs prohibitifs, est mise au courant des autorisations. Pour résumer, si vous prenez un billet mais que la préfecture ne vous autorise pas, vous ne pouvez pas prendre l'avion ». Il dit toutefois comprendre la décision du gouvernement français. « Ici à Mayotte, les conditions sanitaires sont déplorables. Le confinement n'est pas trop respecté. Nous avons un taux d'incidence entre 800 et 900 pour 100 000 habitants. L'hôpital est débordé en réanimation ». « Mais de l'autre côté », poursuit-il, « cela veut dire que l'on nous interdit de nous déplacer librement sur le territoire. Cela fait un an que la situation dure et on a l'impression que rien n'a été anticipé, du moins ici ».