Égalité femmes-hommes : quelles avancées dans le monde ?

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Publié le 2023-07-11 à 10:00 par Asaël Häzaq
Publiée le 20 juin 2023, la 17e édition du Global Gender Gap Report du Forum économique mondial mesure l'évolution de la parité femmes-hommes à travers 4 axes principaux : la santé et la survie, le niveau d'instruction, le monde économique et la politique d'autonomisation. Créé en 2006, le Global Gender Gap Report est l'indice le plus ancien en la matière. Que retenir de cette dernière édition ? Quels changements constate-t-on dans les pays ? S'oriente-t-on vers une amélioration de la situation, ou, au contraire, assiste-t-on à une régression ?

Parité dans le monde : des progrès encourageants

L'édition 2023 du Global Gender Gap Report s'est penchée sur 146 États, leur attribuant des scores pouvant aller de 0 à 100 points. On constate tout d'abord un « effet pandémie » en passe d'être en partie résorbé pour revenir à des chiffres comparables à ceux d'avant Covid. Une situation qui peut être encourageante, mais qui est loin d'être idéale. La parité totale n'est pas encore à l'ordre du jour, même dans les pays les plus avancés en la matière. L'indice souligne néanmoins les efforts des 9 pays les plus avancés en la matière : l'Islande, la Norvège, la Finlande, la Nouvelle-Zélande, la Suède, l'Allemagne, le Nicaragua, la Namibie et la Lituanie. Ces pays sont parvenus à combler à 80 % l'écart entre les femmes et les hommes. C'est même 90 % en Islande, premier pays en termes de parité depuis 14 ans.

Autres signaux encourageants, des avancées concernant l'éducation. Entre 2022 et 2023, les écarts ont été comblés de 95,3 % à 96,1 %. Légers progrès également concernant la santé (écarts comblés de 95,7 % à 96,1%). Ces deux domaines retrouvent leur niveau d'avant Covid. En revanche, l'opportunité économique régresse. La crise contraint particulièrement les femmes, tant en termes d'opportunités de carrière qu'en termes de salaires. L'indice mesure une baisse de 60 % en 2022 à 59,8 % en 2023. Côté politique, un très léger mieux (de 22,4 % en 2022 à 22,5 % en 2023).

Parité dans le monde : dans quels pays la situation s'est-elle le plus améliorée ?

Le rapport mondial sur l'écart entre les sexes note des avancées significatives dans certaines régions du monde. Des États ont pris des mesures pour améliorer l'accès à l'éducation des filles, garantir l'accès aux soins pour tous, promouvoir le travail des femmes, garantir leurs droits.

Amérique latine et Caraïbes 

C'est en Amérique latine et dans les Caraïbes que l'on constate le plus de progrès en matière de parité femmes-hommes. Depuis 2006, date de la première étude mondiale sur la parité, l'Amérique latine et les Caraïbes ont progressé de 8,4 points. L'Amérique latine et les Caraïbes ont réduit de 74,3 % l'écart global entre les femmes et les hommes, devenant ainsi la 3e plus grande région du monde au plus haut niveau de parité, derrière l'Europe et l'Amérique du Nord. Des progrès sont particulièrement notables en Colombie, au Honduras, au Chili ou au Brésil, qui ont amélioré leur score de 0,5 point de pourcentage entre 2022 et 2023. Bons résultats également pour le Nicaragua, le Costa Rica et la Jamaïque, qui enregistrent même les meilleurs scores de la région.

Derrière ces bons résultats, une politique de lutte contre la pauvreté qui a porté ses fruits, et a permis un meilleur accès à l'éducation, notamment des filles, et d'accès aux soins. En 2011, la CEPAL, Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes de l'ONU note une baisse drastique de la pauvreté qui est passée de 48,4 % à 31,4 % en 10 ans. Amélioration aussi concernant l'écart entre les taux d'alphabétisation des femmes et des hommes, qui passe de 1,6 point de pourcentage en 2006 à 0,9 point de pourcentage en 2016. Selon l'étude, l'Amérique latine et les Caraïbes sont presque arrivées à la parité totale en matière d'éducation (99,2%). Les résultats sont tout aussi encourageants concernant la santé (97,6%).

Pour la Banque mondiale, c'est bien la participation des femmes à la vie économique et politique qui contribue à la croissance de ces régions, à tous les niveaux. En 2012, son rapport « l'impact du pouvoir économique des femmes en Amérique latine et aux Caraïbes » rappelle le rôle essentiel des femmes. Un rôle déjà souligné lors de la crise financière de 2008-2009. Les ménages où la femme travaillait résistaient mieux à la crise. Même progrès dans le monde politique. L'Amérique latine et les Caraïbes deviennent la 2e plus grande région du monde à œuvrer pour la parité (35%), juste derrière l'Europe (39,1%). Là encore, c'est en Colombie, au Chili et au Brésil que l'on constate le plus de progrès. Ainsi, sous l'impulsion des féministes, le paysage politique colombien s'est transformé en 2022 : 29,6 % de femmes siégeant à la Chambre haute (+8,3 points de pourcentage) et 28,9 % à la chambre basse (+10,2 points de pourcentage). Une avancée spectaculaire due à la forte participation des femmes avec, pour la première fois, un parti politique en lice. Estamos Listos (« Nous sommes prêts ») a recueilli 100 000 voix.

Autres régions les mieux placées en matière de parité femmes-hommes

Europe

L'Europe reste le continent le plus avancé en matière de parité (76,3%). Un score élevé et en progression (+6,1 points de pourcentage par rapport à 2022), qu'il doit en grande partie à l'Islande, la Norvège ou encore la Finlande, pays où les progrès sont les plus notables. Au total, 1/3 des pays d'Europe figurent parmi les pays les plus progressistes concernant la parité femmes-hommes. Ce sont principalement les pays scandinaves qui tirent le continent vers le haut. La Norvège, la Suède et l'Islande affichent les plus hauts niveaux de parité en matière économique. On retrouve l'Islande, la Norvège et la Finlande à la pointe des États où les femmes sont les mieux représentées en politique. À l'inverse, un léger déclin s'observe dans les autres pays européens, notamment en France, en Allemagne, en Italie ou en Autriche.

Afrique subsaharienne

Malgré des avancées inégales, l'Afrique subsaharienne est la 6e région du monde en matière de parité, devant l'Asie du Sud et la région Moyen-Orient/Afrique du Nord. Elle gagne 5,2 points de pourcentage par rapport à 2022. Le Rwanda, la Namibie ou encore l'Afrique du Sud ont, avec 13 autres pays, réduit de plus de 70 % l'écart entre les sexes. Côté économie, le Libéria, le Burundi et l'Eswatini affichent les meilleurs progrès. Dans l'éducation, la Namibie, le Lesotho et 16 autres pays ont presque atteint la parité totale. En politique, l'Éthiopie, la Tanzanie, le Togo et la Namibie font partie des États africains les plus progressistes ; ils sont actuellement gouvernés par des présidentes. Le Nigéria, l'Éthiopie et la République démocratique du Congo (RDC) affichent également de légers progrès. Les disparités sont cependant grandes dans la région. Ainsi, la même RDC est en recul concernant la parité femmes-hommes dans la sphère économique et dans l'éducation.

Écart femmes-hommes : le combat continue

Si les progrès sont notables dans de nombreux pays, il reste encore fort à faire avant d'atteindre la parité totale. À l'instar de l'Eurasie et d'Asie centrale, d'autres régions du monde font apparaître des contrastes plus importants, avec, au global, une légère tendance à la hausse des inégalités entre les femmes et les hommes.

Moyen-Orient et Afrique du Nord, entre progrès et déclins

Malgré le bon positionnement d'Israël, des Émirats arabes unis (EAU), du Bahreïn, et les légers progrès du Qatar et du Koweït, la région Moyen-Orient/Afrique du Nord reste la plus éloignée de la parité (62,6%). Le chiffre est même en léger déclin depuis la dernière étude. Le Maroc, Oman et l'Algérie obtiennent les plus mauvais résultats. Des résultats, là encore, en baisse par rapport au précédent rapport, surtout en Algérie, au Maroc (et en Égypte). Il y a encore fort à faire en matière de parité femmes-hommes. Concernant la sphère économique, par exemple, Israël est parvenu à combler l'écart entre les sexes de 68,9 %. L'Algérie est à 31,7 %. Les résultats sont meilleurs côté éducation, où Israël, le Koweït, le Bahreïn et la Jordanie atteignent presque la parité. En revanche, l'Algérie, le Maroc, la Tunisie et l'Égypte restent en bas du tableau. Même constat dans la politique, avec à peine 14 % de parité pour l'ensemble de la région. Les chiffres sont en baisse dans 7 des 13 pays étudiés, dont l'Égypte, l'Algérie et la Tunisie. Baisse aussi en Israël et en Tunisie, depuis l'an dernier. En revanche, le Qatar, le Koweït, le Bahreïn, et le Liban comptent davantage de femmes en politique.

Asie du Sud, un écart entre les sexes encore marqué

Avec un taux de 63,4 %, c'est la deuxième région la moins avancée en matière de parité femmes-hommes, juste devant le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord. La situation s'améliore très légèrement en Inde, au Bhoutan, et au Bangladesh (+0,5%), notamment concernant la participation des femmes à l'économie (Inde, Bangladesh, Pakistan, Maldives, Sri Lanka, Bhoutan). Les choses bougent aussi dans l'éducation, avec une parité presque atteinte aux Maldives, en Inde ou au Sri Lanka. En revanche, l'Afghanistan, le Pakistan, le Sri Lanka et le Népal sont en bout de liste. À ce rythme, il faudrait 149 ans pour que la région atteigne la parité parfaite. Ça coince néanmoins en politique, avec des institutions qui restent peu ouvertes aux femmes.

Amérique latine et Caraïbes, la difficile percée des femmes en politique

Les bons chiffres de l'Amérique latine et des Caraïbes ne masquent pas les importantes disparités. Les femmes de ces régions continuent d'avoir moins des 3/4 des droits reconnus pour les hommes. En 2022, à peine deux pays ont réformé en faveur de la parité. Le Bélize, le Paraguay et le Guatemala affichent les plus mauvais résultats. En Colombie, où les femmes ont fait une percée remarquée en politique, le combat continue. Les violences faites aux femmes restent un fléau, et s'affichent même au plus haut sommet de l'État. Un État qui, en 2022, ne respectait pas le quota qu'il avait lui-même institué (au moins 30 % de femmes dans les instances politiques). Selon le rapport, il faudrait au moins 53 ans pour que l'Amérique latine et les Caraïbes atteignent la parité totale.

L'Eurasie et l'Asie centrale : entre lente avancée, stagnation et recul

Eurasie et Asie centrale enregistrent les progrès les plus lents depuis 2006 (+3,2 points de pourcentage). Avec un score de 69 %, c'est la 4e région en matière de parité (sur les 6 régions du monde étudiées dans le rapport. On note cependant des avancées. Ainsi, la Moldavie, la Biélorussie et l'Azerbaïdjan sont arrivés à 70 % de parité en matière économique. La Moldavie est même le pays enregistrant les plus nets progrès depuis 2022 (avec l'Arménie). Dans l'éducation, on tend vers la parité totale (99%). Même progrès concernant la santé et la survie (97 % de parité).

Avec 68,8 % de parité, l'Asie de l'Est et le Pacifique sont la 5e région du monde en la matière. Tout comme l'Eurasie et l'Asie centrale, ses progrès sont lents (+2,8 points de pourcentage). Ces chiffres cachent de profondes disparités. 11 pays, dont l'Australie, les Philippines et la Nouvelle-Zélande enregistrent les plus hauts scores ; ils améliorent même leurs résultats de 2022, avec davantage de femmes en politique. On note des progrès en Thaïlande et au Cambodge en matière d'éducation. La Malaisie a atteint la quasi-parité dans ce domaine (99%), avec la Nouvelle-Zélande et 9 autres États de la région. Côté santé et survie, Singapour tend vers plus de parité entre le ratio à la naissance. Ça coince en revanche dans les îles Fidji, au Japon ou au Myanmar. En Chine, on assiste même à un recul.

Que retenir du Global gender gap report 2023 ?

Les 10 pays les plus avancés restent, sans surprise, les pays scandinaves, Islande en tête, devant la Norvège et la Finlande. La Nouvelle-Zélande arrive au pied du podium. Elle est suivie par la Suède et l'Allemagne. Le Nicaragua, seul État d'Amérique latine du top 10, se maintient en 7e position. Une position due à ses progrès en matière d'éducation et de santé. Les femmes sont également plus présentes en politique, même si la réduction de l'écart stagne à 62,6 %. Chiffre comparable à celui de l'économie (64%) où l'écart entre les sexes continue de peser. En 8e position, la Namibie est le seul État d'Afrique subsaharienne du top 10. Le pays a atteint la parité totale dans l'éducation et la santé, et progresse en économie (78,4 % de l'écart entre les sexes comblé). Un progrès qui s'essouffle cependant depuis 2018. La Lituanie revient dans le top 10 et se place 9e. Un retour qui s'explique en partie par l'élection d'Ingrida Šimonytė Première ministre depuis 2020, et davantage de femmes dans les instances politiques. La Belgique clôture le top 10.

Certains virages politiques laissent des traces. Aux États-Unis, classés 43e (sur 172), l'abrogation du droit fédéral à l'avortement continue de diviser. De plus, l'espérance de vie en bonne santé qui diminue plus vite chez les femmes que chez les hommes. En politique, le nombre de femmes parlementaires n'augmente qu'à la marge. Et toujours aucune cheffe d'État, comme dans nombre de pays du monde.

Les auteurs du rapport insistent sur l'aspect global de leur étude. De fortes disparités existent, et au sein des grandes régions étudiées, et au sein d'un même pays. D'après l'index, il faudrait 131 ans pour atteindre la parité totale dans les pays étudiés.