Si vous voulez investir, mieux vaux connaître parfaitement la ville et son histoire.
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Ruin porn », c'est ainsi que les habitants de Détroit nomment la fascination pour les ruines. Les hordes de touristes participant à des tours des ruines les plus fascinantes les agacent. Ou même, les piquent dans leur amour propre.
« Je suis désolé pour eux, vraiment », déclare John George, patron des Motor City Blight Buster, une équipe qui démolit les maisons délabrées. « Je ne comprends pas qu'on puisse célébrer les aspects négatifs d'une ville », déplore-t-il.
Les habitants ont fui, les bâtiments sont restés
Selon la Blight Removal Task Force, il y aurait 114 000 terrains vides à Détroit, et 30 % des bâtiments sont vides et délabrés. La ville, autrefois riche et prospère, appelait les meilleurs architectes comme Albert Kahn pour ériger des gratte-ciels. La ferveur religieuse de l'époque a fait pousser des centaines d'églises. L'affluence de migrants a nécessité la construction d'écoles.
Détroit a perdu le tiers de sa population dans les années 1950. Peu à peu, les bâtiments ont été abandonnés, les moyens pour les entretenir venant à manquer. Ainsi, la ville est devenue la Mecque de la ruine. Certains y voient une esthétique particulière.
Comme deux photographes français, Romain Meffre et Yves Marchand, qui ont publié, en 2010, Les ruines de Détroit. Ils portent à une dimension internationale cette esthétique. Jusque-là, les ruines de la Grèce et de la Rome antique passionnaient. Mais l'impact des images de Détroit est beaucoup plus fort. Elles symbolisent un échec moderne dans un temps et un espace bien plus proche que le Colisée.
La médiatisation de la chute de la capitale du Michigan a alimenté ce phénomène de « ruin porn ». Détroit rime avec exploration urbaine, les grands espaces vacants, tagués, à l'architecture incroyable. Son image alimente un business touristique.
Ruine Détroit
Photo : Yann Schreiber / Ijsberg Press
Jesse Welter, photographe, organise des tours des lieux en ruine les plus célèbres. Moyennant 65 dollars par tête, il emmène des touristes à l'usine automobile Packard, l'église méthodiste d'East grand boulevard, ou à l'incontournable gare, vide depuis 1988.
Il n'a pas souhaité répondre à nos questions, mais l'hostilité des habitants de la ville à son égard ne fait aucun doute. Sur les murs de l'église St Agnès, est tagué : « Rentre chez toi, Jesse. On te déteste, toi et tes tours en bus », rapportait le Los Angeles Times.
Les bâtiments abandonnés sont une plaie pour certains, une opportunité économique pour d'autres. Le paradoxe de l'histoire, ce sont les ruines qui attirent les touristes à la vision presque « romantique » d'un espace désert et chargé d'histoire.
L'histoire, derrière l'abandon
Le photographe Sean Doerr, qui a publié Lost Detroit : stories behind the Motor City's majestic ruins, se voit plutôt comme un historien. « Je raconte l'histoire des monuments et des gens qui les ont construits, qui y ont vécu », confie-t-il.
Le groupe d'exploration urbaine Detroit Urbex se revendique de la même école. Ils écrivent, sur leur site, « nous cherchons à examiner et à comprendre l'histoire compliquée de la ville. Les bâtiments sont ce qu'il reste des liens sociaux qui unissaient les gens, les quartiers et la ville. »
Aussi détesté que Jesse Welter, Detroit Urbex répond à l'accusation d'entretenir le « ruin porn. » « Le but de ce site n'est pas d'esthétiser les ruines, mais de les documenter. » L'association publie de nombreuses photos d'archive, comparées à des clichés actuels, et raconte aussi la petite histoire derrière ces ruines.
Ruine Détroit Photo
Photo : Yann Schreiber / Ijsberg Press
À l'inverse, de nombreux projets photographiques tentent de mettre en valeur les habitants. Tom Culver a fondé le Humans of Detroit, une série de portraits inspirés de l'équivalent new yorkais. De Lansing a déménagé à Détroit pour ses études à l'université d'Etat Wayne. « Au début, j'étais fasciné par les bâtiments abandonnés », admet-il. « J'étais émerveillé en découvrant comment les gens avaient vécu dans ses endroits, en retrouvant de vieux magazines, des notes. »
Se considérant désormais comme un habitant de Détroit, il ne comprend pas cet intérêt pour les ruines. « Il y a des choses tellement plus formidables, ici », s'exclame-t-il. Pour conter cette tendance, il a commencé à photographier les communautés. « Je vois tellement d'énergie et de positivité. »
Ce n'est pas pour autant qu'il ignore le côté sombre de la Motor City mais il n'aime pas qu'une seule partie de l'histoire soit racontée. « Ça aussi, c'est vrai, mais les merdes, ça arrive à tout le monde ! », finit-il optimiste.
Et les gens, derrière l'histoire
Brian Widdis et Romain Blanquart ont mené le projet Can't forget the Motor City de 2008 à 2011. Photographes, le duo franco-américain voulait aussi raconter la complexité de la ville. « Je ne nie pas les problèmes que vit Détroit, explique Brian Widdis, mais il y a aussi des gens qui vivent ici ! »
Il reste très optimiste sur l'avenir. « Bientôt, les ruines appartiendront au passé. » Quant aux photographes du dimanche qui parcourent les usines abandonnées, il dit « comprendre » l'engouement. « Je partage ce sentiment d'abandon au milieu des ruines, qui est si attrayant. À Détroit, ce sentiment est exacerbé », explique-t-il. « On y voit nos ancêtres, notre histoire, c'est puissant et captivant. C'est juste de la curiosité naturelle. »
John George reste intransigeant. « Les ruines sont de l'histoire ancienne. Mais Détroit aujourd'hui, c'est des gens qui travaillent ensemble pour reconstruire la ville. » Les bijoux architecturaux sont progressivement remis sur pied, attirant artistes et entrepreneurs. Quant aux maisons abandonnées, 800 000 seront détruites ou réhabilitées, comme prévu dans le plan de sortie de faillite approuvé en novembre dernier. La mairie a d'ailleurs débuté sa vente de terrains vides. Les prix commencent à 100 dollars.