Fiscalité et nomadisme numérique : à quoi faut-il s'attendre ?

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Publié le 2024-01-23 à 10:00 par Asaël Häzaq
D'après l'Organisation mondiale du tourisme, le nombre de nomades digitaux a considérablement augmenté depuis que les États se sont mis à délivrer des visas nomades numériques. Les nouveaux travailleurs trouvent enfin un cadre dans lequel mener leur activité professionnelle tout en voyageant. Qu'en est-il en matière fiscale ? La vie entre plusieurs pays étrangers a-t-elle une incidence sur la fiscalité des nomades digitaux ?

Nomade numérique : un statut particulier ?

Dans son dernier rapport publié le 8 novembre 2023, l'Organisation mondiale du tourisme étudie le lien entre la hausse du nombre de visas nomades digitaux et la hausse du nombre d'individus optant pour ce mode de vie. D'après les données de l'étude, 39 % des États appliquent des exemptions de taxes pour les nomades digitaux (sur 54 États étudiés). Le visa nomade numérique n'implique pas un changement automatique de résidence fiscale. Il permet à son détenteur d'entrer légalement sur dans le pays qui le délivre. Parmi les critères de délivrance, la preuve de disposer de ressources financières suffisantes est déterminante. L'étranger doit pouvoir vivre dans le pays sans travailler ; ses sources de revenus lui viennent de l'étranger. Dans certains cas, il pourra même créer son entreprise (en Estonie ou à Dubai, par exemple).

Pour attirer les professionnels étrangers, les États n'imposent généralement pas les revenus de source étrangère des nomades numériques. Aucun problème donc pour un nomade numérique travaillant à son compte. Mais celui travaillant toujours pour le compte d'une entreprise établie fiscalement dans un autre pays peut se retrouver en non-conformité avec la législation du pays d'accueil et/ou être doublement imposable.

Quel statut fiscal pour le nomade numérique ?

Il n'existe pas de statut fiscal dédié pour le nomade numérique. Le terme ne renvoie pas à un statut fiscal ou juridique particulier. Il désigne plusieurs profils juridiques, et donc, plusieurs profils fiscaux. On peut en distinguer 3 : le statut du salarié, du microentrepreneur et de l'entrepreneur individuel. Le salarié dépend de l'entreprise qui l'emploie, et qui a fixé sa domiciliation fiscale là où elle exerce son activité principale. De même, les entrepreneurs paient des impôts dans le pays dans lequel ils se sont établis et exercent leur activité (domiciliation fiscale).

Salariés

Par définition, le régime fiscal du salarié dépend des normes établies dans son contrat de travail, lui-même régi par la loi. C'est donc la loi du pays dans lequel travaille le salarié qui s'applique. Si l'entreprise autorise son salarié à travailler à distance dans un autre pays, ce dernier reste néanmoins attaché à l'entreprise. Il doit donc en principe payer ses impôts dans le pays qui l'emploie. Des complications peuvent donc apparaître s'il réside plusieurs mois dans le pays d'accueil. Complications qui peuvent aussi toucher l'employeur, car ce dernier n'a en principe pas de siège dans le pays d'expatriation.

Entrepreneurs individuels

En général, les entrepreneurs individuels (EI) sont soumis au régime de l'impôt sur le revenu. Les calculs diffèrent selon la nature de leur activité : libérale, commerciale ou artisanale. Les commerciaux et artisans sont imposés sur les bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Les libéraux sont imposés sur les bénéfices non commerciaux (BNC). Les règles de calculs sont complexes et diffèrent selon les États.

Microentrepreneurs

Les microentrepreneurs bénéficient d'une fiscalité simplifiée (par rapport aux EI), notamment, d'un taux d'imposition moins élevé. Les divisions entre les activités commerciales et non commerciales restent les mêmes, mais sont adaptées au régime de la microentreprise (micro-BIC et micro-BNC). Là encore, les règles peuvent varier selon les pays.

À noter que d'autres statuts juridiques existent pour les entreprises, comme la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) ou l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL). La fiscalité de l'entrepreneur nomade numérique dépendra donc aussi de son statut juridique. On rappelle que le terme « freelance » ne désigne pas un statut juridique, mais fait uniquement référence aux personnes travaillant seules, à leur compte. Les « freelances » sont en fait des entrepreneurs individuels, des microentrepreneurs, des EURL.

À qui payer des impôts ?

L'étude relève que la plupart d'entre eux assimilent les nomades numériques à des résidents fiscaux après 183 jours passés sur le territoire. Mais elle rappelle aussi que les règles fiscales diffèrent selon les États. D'où les questionnements concernant l'imposition : les nomades numériques doivent-ils payer des impôts ? Si oui, doivent-ils les payer dans leur pays d'origine ou dans les pays de leurs clients (cas d'un indépendant) ? En matière fiscale, chaque État est libre d'appliquer ses règles. Mieux vaut donc se renseigner sur la fiscalité du pays avant d'y envisager une expatriation.

Les pays appliquant des exemptions de taxes pour les nomades numériques

Les Émirats arabes unis (EAU), la Croatie, Maurice, Malte, le Portugal et la Malaisie font partie des États qui offrent aux nomades numériques des exemptions de taxes pour une durée non spécifiée. Antigua-et-Barbuda, la Barbade et la Lettonie précisent la durée de leur cadeau fiscal : 2 ans pour Antigua-et-Barbuda, 1 an pour la Barbade et la Lettonie.

Règles en matière d'impôt sur le revenu

Lorsque l'État n'applique pas de politique spécifique aux nomades numériques, les règles de l'impôt sur le revenu dépendent de multiples critères, notamment la réglementation générale en matière d'imposition, de résidence fiscale, ou les mesures relatives à l'emploi d'un travailleur étranger par une entreprise locale. En Argentine ou en Norvège, les nomades numériques sont susceptibles d'être assimilés à n'importe quel non-résident ou résident, et donc, de recevoir le même traitement fiscal. En Allemagne, les nomades numériques gagnant plus de 10 703 dollars par an doivent payer l'impôt sur le revenu. En Tchéquie, ils doivent s'acquitter d'une taxe sociale de 135 dollars par an.

Éviter la double imposition

Il est possible que la situation du nomade numérique conduise à une double taxation : il devrait alors payer des impôts dans son pays d'origine et dans son pays d'accueil. Pour éviter cela, de nombreux États ont signé des conventions fiscales. L'impôt sera payé dans le pays où le ressortissant travaille. La plupart des pays européens qui délivrent le visa nomade numérique ont signé des accords de non-double imposition.

Quelle optimisation fiscale pour les nomades numériques ?

L'optimisation fiscale consiste à utiliser des moyens légaux pour faire baisser ses impôts. Les nomades numériques peuvent être tentés de se rendre dans les pays et villes proposant une fiscalité attractive, comme Dubai, la Bulgarie, Andorre ou l'Estonie. Pour choisir la résidence fiscale correspondant le mieux à son profil, mieux vaut s'entourer de professionnels du secteur, et dans son pays d'origine, et dans le pays d'expatriation. Les seuls avantages fiscaux ne suffisent pas à décider du changement de résidence fiscale. Entrent également en compte le coût de la vie et la qualité de vie du pays d'expatriation, mais aussi la stabilité économique et politique, ou encore, la simplicité administrative.