Covid : les expatriés sont-ils survaccinés ?

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Publié le 2022-02-08 à 11:00 par Asaël Häzaq
Verra-t-on un jour une même politique concernant les vaccins homologués ? Entre course à la vaccination et crainte d'un nouveau variant, les expatriés se sentent oubliés des États. La solution proposée – recevoir des doses supplémentaires de vaccin ARNmessager – dissipe à peine le malaise. Expat.com fait le point.

Survaccination : la grogne des expatriés

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnaît à ce jour 7 vaccins : Pfizer/BioNTech, AstraZeneca, Janssen, Moderna, Sinopharm, Sinovac, et le dernier, Covaxin, approuvé en novembre 2021. L'Agence européenne des médicaments (EMA) n'en reconnaît que 5 : Pfizer/BioNTech, AstraZeneca, Janssen, Moderna et Novavax, approuvé en décembre 2021. Le Canada autorise les mêmes vaccins que l'Union européenne (UE), excepté Novavax. Les États-Unis se montrent plus flexibles. Depuis la réouverture de leurs frontières, ils acceptent tous les vaccins validés par l'OMS. Problème : l'exemple américain est loin de faire l'unanimité. L'EMA ne reconnaît toujours pas les vaccins chinois. Aucun pays ne reconnaît le vaccin russe Spoutnik V. « La France ne reconnaît pas le vaccin russe, mais n'offre aucune autre solution. Les autres pays européens comme la Finlande et l'Allemagne ont fait venir des vaccins en Russie pour leurs expatriés. Le pire, c'est que l'on sait que le personnel de l'ambassade française a été vacciné avec Pfizer », s'alarme Denis, immigré français en Russie depuis 28 ans, interrogé par Radio France internationale (RFI), le 14 janvier dernier. 

Que fait l'ambassade ? Pas grand-chose, aux dires des quelques milliers de Français vivant à Moscou. Pas de vaccin homologué en France, donc pas de passe vaccinal. Le remplaçant du passe sanitaire se veut plus strict à l'égard des non-vaccinés. Les personnes ayant reçu un vaccin non homologué ne sont pas considérées « pleinement vaccinées ». Pour obtenir un schéma vaccinal complet (et donc, d'avoir le passe vaccinal), il faut se refaire vacciner. Une à deux doses d'un vaccin ARNmessager selon que l'on ait reçu une ou deux doses du vaccin non reconnu. Une survaccination qui ne satisfait pas Denis. Selon lui, impossible de recevoir une nouvelle dose de vaccin sans mentir. « Je voudrais me faire vacciner en France, mais c'est difficile d'obtenir un rendez-vous. En plus, il faudrait que je mente, car comme je suis déjà vacciné avec deux doses de vaccin russe, je n'ai pas le droit de recevoir un autre vaccin. » L'homme indique finalement se rabattre sur la Croatie pour se refaire vacciner avec sa famille. La procédure ne s'arrête pas là. Après avoir été vaccinés, les expatriés doivent demander une attestation d'équivalence vaccinale. Attestation réservée aux ressortissants provenant d'un pays hors UE, et payante. « Le service de génération d'attestation d'équivalence vaccinale peut être facturé pour un prix ne pouvant dépasser 36 € TTC. », peut-on lire sur sante.fr, le service public d'information en santé. Denis devra recevoir deux doses de vaccin ARNm pour obtenir un passe vaccinal, sans compter la ou les doses de rappel. « Je vais jouer avec ma santé pour pouvoir rendre visite à mes parents ! Ce n'est pas normal », s'insurge-t-il. 

Faut-il s'aligner sur la position de l'OMS ?

Dès 2020, des voix se levaient pour alerter les différents États. Comment assurer la vaccination des ressortissants étrangers ? Pourra-t-on garantir la validation des vaccins reçus à l'étranger ? La question n'est pas tranchée. L'urgence vaccinale prévaut, où que l'on soit. Les États promettent d'acheminer des vaccins à leurs ressortissants vivant à l'étranger. Des convois arrivent bien, mais en ordre dispersé. Difficile d'obtenir toutes les informations selon le pays d'expatriation. Difficile d'avoir des vaccins homologués par l'UE. Le 13 juillet 2021, Martine Vautrin Djedidi, conseillère des Français de l'étranger pour la circonscription de Tunis, fait part de son agacement au micro de la radio France inter : « Il y a de quoi être en colère. […] Les problèmes s'imbriquent. De nombreux Français hors de France ne sont pas vaccinés avec des vaccins reconnus par l'Agence Européenne des médicaments, comme le vaccin chinois. Et lorsque le vaccin est reconnu, le QR code généré n'est pas compatible avec l'application française. » Quelques jours plus tard, Christophe Frassa, sénateur des Français de l'étranger, fait part de ses doutes dès les premières mesures anti-Covid. Il réitère ses questions devant le gouvernement, le 22 juillet 2021 : « […] qu'entendez-vous par « un équivalent » [au vaccin homologué] ? […] Le seul équivalent serait le Covishield. Quid du Sinopharm, du Spoutnik V et de bien d'autres ? […] » Le même jour, Florian Bohême, conseiller des Français de l'étranger au Cambodge, tweete : « […] Il est temps d'agir pour que la France reconnaisse pleinement les vaccins homologués par l'OMS […] »

La solution trouvée par le gouvernement – recevoir de nouvelles doses de vaccin ARNmessager – ne satisfait pas tout le monde. La question de la survaccination reste en suspens. Elle se mêle aux débats opposants les pro et anti-vaccins. Les uns affirment que multiplier les doses de vaccin est sans risque pour la santé. Les autres attestent le contraire, misant sur l'absence de données sur le long terme. Mais pour les expatriés concernés, c'est le sentiment d'exclusion qui semble dominer. Interrogé par la chaîne d'info France24 le 11 janvier dernier, Frédéric, expatrié aux Émirats arabes unis, est amer. « On se sent un peu les oubliés de cette gestion de crise par notre gouvernement ». Pour les expatriés, la distance d'avec leur pays d'origine ne justifie pas une différence de traitement. Ils restent des citoyens de leur État, et devraient bénéficier des mêmes droits que leurs compatriotes. Alors que dans l'UE, les pays courent au passe vaccinal, pour Frédéric, l'horizon est flou. « On n'a pas de visibilité sur ce qui va se passer avec ce passe vaccinal ». D'autres se sentent lassés : « On a joué le jeu à fond. On a couru se faire vacciner dès qu'on a pu, mais on nous traite comme des citoyens de seconde zone. » « Au fond, on comprend que les vaccins russes et chinois sont moins efficaces. Mais pourquoi nous avoir encouragé à les prendre ? Pourquoi ne pas avoir livré plus de vaccins ARNmessagers ? Pourquoi nous compliquer la tâche, alors qu'on est de bonne volonté ? » Plus que la survaccination, c'est la politique des gouvernements vis-à-vis de la vaccination anti-Covid qui semble remise en cause. Il paraît cependant peu probable que tous les vaccins homologués par l'OMS le soient également dans les autres États.