Comme beaucoup de Français, avant de m'installer ici je voyais le Québec comme une partie de la France en Amérique, peuplé d'une bande de joyeux lurons, toujours souriants et sympathiques. Nos cousins d'Amérique, avec leur accent festif, semblaient tellement accueillants et de bonne humeur que je ne m'étonnaient pas que les Français soient des dizaines de milliers chaque année à venir tenter leur chance de ce côté-ci de l'atlantique. Par contre j'étais bien en peine de m'expliquer pourquoi ils sont presque aussi nombreux à faire le voyage en sens inverse pour revenir, aigris, vers leur pays. L'explication la plus commune et certainement la plus éloignée de la vérité est la difficulté à s'adapter au climat.
Il y a 3 ans j'ai moi-même fais le pas. Et j'ai compris.
Tout d'abord, la première erreur à rectifier concerne justement le climat. L'hiver au Québec c'est magique. Certes, -25 degrés Celsius ça peut sembler rédhibitoire mais j'affirme que j'ai eu plus froid par +2 degrés un 25 novembre pluvieux et venteux à Paris que début février au carnaval d'hiver sur les pleines d'Abraham sous un soleil radieux avec une neige éclatante.
Et même si le printemps n'est pas beau, je ne crois pas une seconde que le climat soit le facteur numéro 1 pour expliquer le retour des expats au pays.
Mon explication vaut ce qu'elle vaut mais après en avoir fait l'expérience et en avoir discuté avec beaucoup de monde j'en ai l'intime conviction.
Tout d'abord il faut bien admettre que nous, Français, nous nous croyons au centre de l'univers et sommes persuadés que nous avons la mission d'apporter la lumière à un monde plongé dans l'obscurité. C'est une caricature évidemment et le paysan Breton ou l'ouvrier Lorrain en sont bien loin. Mais demandez à un bobo Parisien ce qu'il pense de l'activité culturelle de Québec ou même de Montréal et vous verrez que les traits de ma caricature ne sont pas si épais que cela. En tous cas, ce qui est sûr et certain c'est que c'est bien la perception qu'ont de nous bon nombre de Terriens.
Bien entendu, vous trouverez très peu de Québécois qui vous diront d'emblée ce qu'ils pensent vraiment des Français. D'où vient alors ce sentiment mitigé que l'on ressent après quelques mois passés ici? De la paranoïa? Peut-être un peu. C'est difficile à cerner mais à force d'entendre des remarques désobligeantes sur les Français à la télévision, à la radio et dans les forums internet il faut bien se faire une raison. Les Québécois nous détestent cordialement.
Pourquoi avons-nous tant de mal à nous en rendre compte? Il y a 2 raisons à cela. La première est de notre ressort. Notre arrogance nous aveugle et on a du mal à comprendre, un peu comme Georges Bush à propos des Américains, que le monde entier ne nous attende pas comme le Messie. La deuxième est du ressort des Québécois eux-mêmes. Dominés par les Canadiens Anglais, entourés par plus de 300 millions d'anglophones, ils nous considèrent, à tord je pense, comme leur bouée de secours linguistique et culturelle francophone. Ce sentiment de dépendance masque, dans un processus de refoulement, ce rejet des Français qu'ils laissent entrevoir si on gratte un peu le vernis et qui, à l'occasion, peut s'exprimer, comme une soupape de sécurité, assez violemment.
À l'automne dernier, un fait divers à permis aux Québécois d'utiliser cette soupape. Dans un pub irlandais, une altercation entre un Québécois et un Français à conduit le Québécois en prison et le Français dans le coma. Tout aurait débuté par une moquerie du deuxième à propos de l'accent du premier. Cette simple bagarre de bar a débouché dans les médias sur une vague de sentiment anti-français qui a mis plusieurs jours avant de retomber. Les Québécois se sont alors permis d'exprimer toute leur détestation des Français. Les forums débordaient de messages sur l'arrogance française, leurs sentiments de supériorité, leur colonialisme.
Les Québécois n'aiment pas les Français
et ils ont parfois raison. Il y a quelques jours mon fils rentre à la maison après quelques courses au IGA en face de chez nous et me raconte sa mésaventure. Il est à la caisse et reconnaît un Français à son accent juste devant lui. Celuici paie ses achats et au moment de partir dit à la caissière : « votre slogan Vive la bouffe est vraiment nul ». Devant ce comportement typique du parigot en vacances, j'ai envie de crier « Mais qu'est-ce qu'on en a à faire de ton avis, imbécile!!! »
D'abord, ce n'est pas la caissière qui a choisi le slogan d'IGA, fout lui la paix. Ensuite, même si ça me révulse moi aussi d'entendre sans arrêt parler de bouffe au lieu de nourriture, ce mot n'a pas la même signification en France et ici, où il s'agit simplement d'un mot d'argot. Enfin, quand on est accueillit on se garde de faire des commentaires désobligeants sur son hôte. Si ça ne te plaît pas, vas donc voir ailleurs.
Je disais donc, comportement typique du parigot en vacances mais malheureusement comportement trop souvent vu et entendu et associé aux Français par la grande majorité de la population du Québec.
Ceci dit, ces sentiments négatifs ne sont pas tous de notre faute. La France a perdu l'Amérique au profit des Anglais et ils ne se sont pas gênés pour nous dénigrer, aujourd'hui encore. Mais ça c'est une autre histoire.
Les Québécois n'aiment pas les Français, c'est un fait. Pour ma part, j'ai fini par m'en faire une raison. J'aime les Québécois et les Québécois me le rendent bien en général. J'aime le Québec et je ne regrette qu'une chose c'est de ne pas être venu ici plus tôt.
Si vous êtes prêt à mettre votre égo de côté et à découvrir des gens formidables de simplicité et de gentillesse le Québec est fait pour vous.
Jean