Le marché du travail au Japon

Travailleurs réguliers, non réguliers au Japon

Pour avoir la sécurité de l'emploi au Japon, mieux vaut être travailleur régulier (équivalent du contrat à durée indéterminé – CDI). Le Japon est marqué par les paradoxes. Une barrière invisible sépare les salariés en CDI des travailleurs précaires (contrats courts, à temps partiel, intérimaires, petits boulots). Même division entre les entreprises étrangères et japonaises, entre les grands groupes et les petits, entre les femmes et les hommes.

Types de contrats de travail au Japon

Le contrat le plus protecteur est celui du seishain (employé permanent, équivalent du CDI). C'est aussi le mieux perçu par la société japonaise. Il vous sera plus facile d'obtenir un prêt bancaire, d'être soutenu par une agence immobilière pour un projet d'achat…

Les autres contrats sont plus exposés à la précarité. Le keiyakushain est l'équivalent de l'employé en CDD. Son contrat dure de quelques mois à un an. Le hakenshain est un intérimaire. L'employé en arubaito effectue un petit job. À l'origine considéré comme l'emploi des étudiants, il touche en fait une population bien plus large. Il n'est pas rare de voir une personne âgée reprendre un emploi en baito (diminutif d'arubaito).

On parle aussi de freeter pour désigner les travailleurs précaires. Si le mot tire ses origines de l'anglais « free », pour catégoriser des travailleurs libres de naviguer d'un emploi à l'autre, la réalité est plus difficile. Les freeter sont des travailleurs précaires, et leur nombre augmente. Les jeunes diplômés y sont de plus en plus exposés. S'ils n'entrent pas dans la vague des recrutements de l'année (la saison commence au printemps), ils risquent d'être contraints à prendre ces emplois précaires.

Entreprises japonaises et étrangères : comment postuler ?

On ne recrute pas dans une entreprise japonaise comme on recrute dans une entreprise étrangère. Globalement, les structures étrangères sont moins formelles. Le candidat est libre de réaliser son CV comme il le souhaite, avec ou sans photo. Il est aussi libre de choisir la tenue vestimentaire de son choix, avec les couleurs qu'il veut, tant que cela colle au travail. Chez les entreprises japonaises, le CV est un formulaire avec photo obligatoire. L'uniforme est le même pour les candidats : costume/tailleur sombre, chemise blanche. Les candidats sont moins libres d'exprimer leur originalité. Ce n'est d'ailleurs pas ce que les entreprises recherchent. Les choses évoluent cependant peu à peu, et certains grands groupes japonais acceptent des présentations plus originales.

Travailler au Japon : les secteurs qui recrutent

Le numérique et les nouvelles technologies

Les métiers de l'informatique et du numérique sont à l'honneur. Le « kishidanomics », le plan économique du gouvernement Kishida, accorde un large budget pour accélérer la transition numérique. Le plan prévoit 10 000 milliards de yens pour faire du Japon « une nation scientifique et technologique ». Une aubaine pour tous les actifs et futurs actifs, y compris les étudiants et salariés étrangers. En plus de ce fonds (qui soutiendra les universités), le Japon va faciliter le développement des start-up, et ouvrir un autre fonds pour soutenir la recherche et le développement. Le gouvernement Kishida prévoit également de développer ses investissements dans le metaverse.

Les métiers qui recrutent au Japon

Les métiers de l'informatique et du numérique couvrent différentes sous-catégories : métiers liés à l'intelligence artificielle/IA (ingénieur IA, chef de projet IA…), de l'informatique (architecte réseau, administrateur de base de données, ingénieur système, développeur informatique…), d'Internet (architecte web, développeur web, community manager, web-designer…), du Big data (architecte big data, data scientist…), du jeu vidéo (animateur 3D, game designer, testeur, concept artist…) Avec la numérisation des échanges, ces métiers se retrouvent dans tous les secteurs d'emploi. Les domaines de l'administration, du bâtiment, de l'industrie, du commerce, de la santé, du conseil, et même de l'enseignement font appel aux nouvelles technologies.

Les étrangers diplômés dans ces secteurs de pointe auront toutes leurs chances au Japon, surtout s'ils parlent japonais. Leur maîtrise de la langue s'ajoute à celles qu'ils parlent déjà et rend leur profil encore plus attractif. Le monde du numérique est celui des échanges. Les pays bataillent pour avoir les meilleurs talents internationaux. Outre leur cursus, ils ont l'avantage d'apporter un regard neuf (au Japon), et leur expérience. Ce sont ces profils que les entreprises basées au Japon recherchent.

Les salaires au Japon

Côté salaires, un ingénieur réseau peut gagner environ 7 500 000 yens par an. C'est environ 8 000 000 de yens pour un web designer et 9 000 000 pour un data scientist. Mais ces chiffres ne sont qu'une estimation très imparfaite. L'écart salarial évolue grandement selon le type d'entreprise (une administration publique, une clinique privée, une start-up licorne, une multinationale…), le type d'activité (branche recherche, pré-production, production, post-production, marketing, commerce, vente, etc.), et la région (les salaires à Tokyo sont généralement plus élevés, mais le coût de la vie aussi). Il faut aussi prendre en compte la fonction. On estime qu'un assistant gagne environ 4 millions de yens par ans. Le manager peut espérer toucher jusqu'à 8 millions de yens. Les postes de direction sont, sans surprise, encore mieux rémunérer. Enfin, il faut se souvenir que le Japon promeut l'ancienneté, gage de fidélité à l'entreprise.

Les autres secteurs qui recrutent au Japon

Les secteurs classiquement ouverts aux étrangers au Japon le restent : métiers du tourisme, de l'hôtellerie et de la restauration, métiers de la traduction, métiers de l'enseignement (professeur de langue, assistant), de l'entretien (technicien de surface), du commerce de détail (vendeur, employé de rayon). Les salaires se calculent différemment selon qu'on est en baito (petit boulot) ou à plein temps. Les baito, souvent à temps partiel et moins protégés, offrent des salaires qui sont proches du SMIC (848 yens de l'heure). Beaucoup proposent plus, avec des salaires allant d'environ 1000 à 1500 yens de l'heure, avec une hausse si l'on travaille la nuit.

Concernant l'enseignement au Japon, attention à ne pas confondre les postes en cafés d'échanges (petit boulot) de l'emploi à durée indéterminé dans une école de langue privée, un établissement de l'éducation nationale, ou un centre de formation. Pour ces derniers secteurs, on exige un diplôme, une expérience professionnelle, voire une recommandation. Néanmoins, même les cafés d'échanges ont élevé leurs critères, et n'hésitent pas à tester le niveau de langue des étrangers qui postulent.

Être une femme et travailler au Japon

Bien avant d'entrer dans le monde du travail, les femmes subissent des discriminations. On les oriente moins vers les filières scientifiques ou médicales, qui nécessitent des formations longues. On les préfère dans la petite enfance ou les métiers d'accueil. À Tokyo, la prestigieuse école privée de médecine Tokyo Medical College a baissé durant des années les notes des femmes pour en limiter le nombre. En 2011, elle constate une hausse du nombre de femmes. Elle commence à baisser leurs notes pour limiter leur effectif à 30 %. Une pratique qui toucherait le milieu médical depuis bien plus longtemps. D'autres universités reconnaîtront par la suite avoir truqué leurs examens pour limiter l'admission des femmes.

L'affaire éclate. Les universités incriminées cessent leurs truquages. Le taux de réussite des femmes réaugmente et dépasse celui des hommes. Mais le mal est fait. Pour les femmes médecins, sans ce truquage, les femmes seraient majoritaires dans le milieu médical. En 2016, elles représentent à peine 21% des effectifs. L'un des taux les plus bas des pays de l'OCDE. Le Royaume-Uni est en tête avec 47 %, suivi par l'Allemagne, la France et le Canada.

Discriminations salariales femmes-hommes

En 2021, Japon arrive 120e sur 156 pays au classement de l'égalité salariale établi par le Forum économique mondial. C'est l'un des plus mauvais scores des pays industrialisés. Au Japon, les femmes gagnent en général 20 à 26 % de moins que les hommes. À peine 13,2 % d'entre elles occupent des postes à responsabilité. En mai 2022, le gouvernement japonais réfléchit à une proposition obligeant les entreprises de plus de 300 salariés à publier sur leur site Internet les écarts de salaires entre femmes et hommes. 17 600 entreprises seraient concernées. 4000 grandes entreprises devraient, en plus, publier le nombre de femmes occupant un poste de direction, et le pourcentage d'hommes qui prennent leur congé paternité.

Cette discrimination a des conséquences directes sur le marché du travail japonais et la société japonaise. Les jeunes générations ne veulent plus faire d'enfants. Les femmes subissent une précarité bien plus forte que les hommes, surtout lorsqu'elles sont âgées. Conscient du problème, le Premier ministre Fumio Kishida s'est engagé à lutter contre la discrimination au travail. Les associations de lutte pour les droits des femmes attendent de voir.

Discrimination au travail au Japon : les vêtements aussi

On pourrait trouver le combat trivial. Il révèle pourtant une autre facette du conservatisme du monde du travail japonais. Ici, le mouvement MeToo a peu percé. En 2019 nait le mouvement KuToo (Ku pour « kutsu/chaussures » et « ku/douleur ») pour dénoncer le port obligatoire des talons. Outre l'inconfort et les problèmes de santé (porter des talons tous les jours n'est pas recommandé), cette injonction crée une nouvelle discrimination entre femmes et hommes. Au Japon, un employeur peut imposer une tenue vestimentaire à ses salariés. La même chose existe dans d'autres pays, comme en France. Mais elle doit être justifiée par l'employeur. La mesure touche cependant davantage les femmes. Le phénomène est encore plus criant au Japon.

Quelles évolutions pour le marché du travail au Japon ?

Certains ont cru voir les signes annonciateurs d'une révolution post crise sanitaire. Le gouvernement Kishida a réaffirmé sa volonté de favoriser l'emploi des femmes. Plus tôt, Shinjiro Koizumi, alors ministre de l'Environnement, a pris un congé paternité de 2 semaines. Une première, pour un pays encore marqué par le conservatisme. Un conservatisme qui reste élevé. 7 femmes actives sur 10 cessent encore de travailler lorsqu'elles deviennent mères. Un choix volontaire ou forcé. Au Japon, la rareté des places en crèche oblige à ce qu'un parent reste au foyer (souvent la mère). De plus, certaines entreprises poussent les femmes enceintes vers la sortie. C'est le matahara, le harcèlement envers les femmes enceintes.

Pénurie de main-d'œuvre, natalité, vieillissement : les défis du Japon

Faut-il ouvrir davantage les portes de l'immigration ? Comment faire face au vieillissement de la population ? Le Japon fait face à de nouveaux défis qui, s'ils ne sont pas réglés, conduiraient à une baisse de son PIB. Une situation que certains économistes et penseurs prennent avec philosophie. Pour eux, le Japon n'a d'autre choix que de regarder vers l'avant. Plutôt que de miser sur stagnation, ces chercheurs tablent sur l'éveil des jeunes générations et sur l'internationalisation des échanges. Les étrangers peuvent, en effet, apporter leur bagage culturel et questionner le marché du travail japonais. Autant de chocs positifs, nécessaires au renouvellement du système.


Article écrit par expat.com
Dernière mise à jour le 20 Octobre 2022 09:37:05
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