Bonsoir à tous
je tenais à partager cette étude avec vous, un peu long mais ça peut répondre à pas mal de questions
cordialement
Myjo
Cellule d'analyse et de veille fiscale de l'UFE-Lisbonne (CAVE)
Chronique du 30 novembre 2018
Cette note ne saurait s'assimiler ou se substituer à une consultation juridique. Elle ne saurait remplacer un entretien privé avec un avocat qui, après étude des circonstances de fait et de droits propres à chaque cas individuel, sera en mesure d'apporter une solution précise et adaptée à chaque dossier compte tenu de ses spécificités.
LA RÈGLE DES 183 JOURS
Chers Amis,
Vous êtes nombreux à vous interroger sur l'application de la règle des 183 jours, ou règle des six mois pour la détermination de la résidence fiscale.
En préambule, nous rappelons que pour être considéré comme résident fiscal portugais au sens du droit interne portugais, il faut séjourner au Portugal plus de 183 jours sur une période de douze mois, étant observé que pour qu'une journée, même partielle passée au Portugal soit décomptée, il faut passer la nuit au Portugal.
On est également considéré comme résident fiscal portugais si au cours d'une période de douze mois on a disposé d'une résidence en propriété ou en location au Portugal pour au moins une journée au cours d'une période de douze mois, dans des conditions telles qu'elle peut être destinée à la résidence habituelle.
Ceci étant dit, cette chronique concernera la règle des 183 jours au sens du droit interne français et au sens de la convention fiscale entre la France et le Portugal.
I - LA RÈGLE DES 183 JOURS EN DROIT INTERNE FRANÇAIS.
L'article 4B du CGI définit la notion de domicile fiscal selon des critères d'ordre personnel, professionnel et économique.
Nous n'examinerons ici que le critère d'ordre personnel.
Sont considérées comme fiscalement domiciliées en France les personnes qui ont sur le territoire français leur foyer ou le lieu de séjour principal.
Les juges regardent d'abord si le contribuable a son foyer, c'est-à-dire le lieu ou il habite normalement, et le lieu de la résidence habituelle, à condition que cette résidence en France ait un caractère permanent.
Si tel n'est pas le cas, le juge regardera si l'intéressé a son séjour principal en France, et c'est ici qu'intervient la règle des six mois.
En règle générale, doivent être considérés comme ayant en France le lieu de leur séjour principal les contribuables qui y séjournent pendant plus de six mois au cours d'une année donnée.
Cette règle n'est toutefois pas absolue, et de nombreuses décisions prennent en compte d'autres critères.
C'est ainsi que l'on peut citer l'arrêt du Conseil d'état N°75925 du 19 septembre 1969 par lequel un contribuable a été jugé domicilié fiscalement en France car il avait résidé en France pendant une durée nettement supérieure à celle des séjours effectués dans d'autres pays.
On peut citer également l'arrêt plus récent de la Cour administrative d'appel de Lyon N°15LY04070 du 30 mars 2017 par lequel un contribuable qui avait passé moins de 183 jours en France au cours de la période considérée, mais qui n'avait pas passé plus de temps dans un autre pays que la France au cours de ladite période a été considéré comme ayant eu son séjour principal en France et donc comme ayant été domicilié fiscalement en France.
On peut donc avoir son séjour principal en France tout en y ayant séjourné moins de 183 jours dans l'année. Il suffit d'avoir passé plus de temps en France que dans un autre pays.
C'est ainsi qu'un contribuable ayant passé au cours d'une année 89 jours en France et 69 jours dans chacun de quatre autres pays, soit 276 jours hors de France, sera considéré comme ayant eu son séjour principal en France et sera considéré comme ayant été domicilié fiscalement en France au sens du droit interne.
Pour ce qui est de la technique du décompte des jours, nous n'avons trouvé aucun texte précisant la méthode à employer.
Par prudence, et par analogie avec la doctrine administrative concernant l'exonération des mis-sions temporaires à l'étranger dans le cadre des conventions fiscales (BOI-INT-DG-20-20-40- 20120912), on peut faire le décompte des jours passés en France en incluant les jours d'arrivée et les jours de départ et celui des jours passés dans d'autres pays en excluant les jours d'arrivée et de départ.
II - LA RÈGLE DES 183 JOURS EN DROIT CONVENTIONNEL.
Nous rappelons qu'en cas de conflit de domicile fiscal selon les droits internes entre la France et le Portugal, la résidence fiscale est déterminée par la convention fiscale, dans la mesure ou le contribuable concerné entre dans le champ d'application de la convention quant aux personnes.
Une personne est réputée résident de l'état contractant ou elle dispose d'un foyer d'habitation permanent.
Si cette personne dispose d'un tel foyer dans les deux pays, elle est considérée comme résident de l'état contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux.)
Si l'état contractant ou cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des États contractants, elle est considérée comme résident de l'état contractant ou elle séjourne de façon habituelle.
La notion de séjour habituel est assez floue, et ne doit pas être confondue avec celle de séjour principal, dans ce sens que le juge ne recherche pas nécessairement à faire un décompte exact des jours passés dans chaque pays, mais recherche plutôt dans quel pays le contribuable a ses habitudes.
On peut dire que le pays ou l'on a son séjour habituel est celui ou on paye son abonnement à son club de sport, ou encore celui ou réside sa compagne ou son compagnon dans la vie.
On comprend immédiatement que l'on peut avoir son séjour habituel simultanément dans plusieurs pays.
C'est ainsi que l'administration a rappelé dans ses commentaires de la convention fiscale entre la France et l'Algérie qu'il peut exister un séjour habituel dans chaque État alors même que le décompte des jours passés dans un État serait supérieur au décompte des jours passés dans l'autre État.
Les décisions de jurisprudence qui fondent la résidence fiscale sur la notion de séjour habituel sont peu nombreuses et ne permettent pas d'en retirer des critères décisifs permettant de déterminer avec sureté le séjour habituel.
En conclusion, mieux vaut n'avoir un foyer d'habitation permanent que dans le pays dont on se veut résident fiscal, sinon avoir très clairement le centre de ses intérêts vitaux dans ce pays et oublier la règle des 183 jours.
En effet, la règle des 183 jours est un critère tout à fait accessoire, voire non pertinent, de détermination de la résidence fiscale.
Marc Laut
Expert-comptable honoraire