Bonjour, je m'appelle Tassya. Techniquement je n'ai rien à faire sur ce site puisque je ne suis ni une étrangère à Madagascar ni une expatriée, ni une femme de vazaha. Je suis rédactrice web et c'est vraiment par hasard, suite à une recherche que j'étais entrain d'effectuer, que je suis tombé sur un commentaire sur ce site: "Une véritable relation amicale ou sentimentale entre un malgache et un étranger est impossible, tout est toujours une question d'argent." Alors, oui, je comprends parfaitement ce que la personne qui a écrit ceci ressentait très certainement à ce moment-là. Peut-être était-il au moins aussi dépité que moi. Je regrette sincèrement que mes semblables vous donnent cette impression. J'ai honte de nous en lisant ce genre de commentaire, aussi je m'en excuse, bien que ce ne sera ni la première fois, ni la dernière que vous vivrez ce type d'expérience. Après, vous ne pouvez pas réellement comprendre ce que c'est que de trimer pour gagner l'équivalent d'un euro par jour. Certes, on dit qu'ici, c'est le pays du mora mora et que la plupart des malgaches sont fainéants... ce n'est pas faux. Disons que, si je devais expliquer ça se résume comme tel:
Koto a un bon travail, il épouse Ketaka et ont trois enfants. Mais Koto est jaloux et ne laisse pas Ketaka travailler. Ou encore Ketaka ne veut pas travailler car ici, les femmes sont encore assez peu nombreuses à vouloir s'émanciper. Donc, quelle que soit la raison, Ketaka ne travaille pas. Mais en revanche, elle est dépensière. Soit pour elle, soit parce que sa famille la presse comme un citron : "Tu t'es mariée, on t'a élevé, donne nous maintenant ce que tu nous dois." Donc, Ketaka donne de l'argent aux parents, qui une fois qu'elle s'est mariée se sont arrêtés de travailler. (Si l'on considère que la mère de Ketaka n'a jamais travaillé non plus.) Mais Ketaka a encore deux petits frères qui vont à l'école et qu'il faut nourrir. Aussi, elle cache de l'argent du foyer pour en donner à sa famille, ou le fait ouvertement.
D'un autre côté, Koto a encore des frères et soeurs. Il gagne plutôt bien sa vie et effectue même des heures supplémentaires, mais cela ne suffit jamais, car ses parents le pressent également pour qu'il pourvoit à leur besoin étant donné qu'il a réussi aujourd'hui.
Pressé de partout, Koto en a marre et décide alors de cesser de travailler lui aussi, pour que tout le monde lui fiche la paix. Il se met à boire, en regrettant amèrement l'égoïsme de sa famille et de tous (car bien évidemment, ses prétendus amis ne sont pas en reste). Puis, il devient alcoolique, commence à battre sa femme et à descolariser ses enfants. C'est toujours le serpent qui se mord la queue, puisque sans connaissance et sans éducation, ces derniers finiront mal. Koto et sa petite famille auraient pu aller loin, mais la vie et l'égoisme des autres en auront voulu autrement.
Cette petite histoire - bien qu'il soit vrai que je dramatise et que je caricature - résume à peu près la vie des personnes actuellement. On jette toujours la faute sur les politiciens, alors qu'en définitive, nous pourrions y remédier nous même si chacun y mettait du sien. C'est ce que nous faisons mon mari et moi. Et c'est ce que je veux transmettre à mon fils: le goût de l'effort.
Pour en revenir à nos moutons, il existe beaucoup de Koto, qui doivent pourvoir aux besoins de plusieurs personnes en même temps, alors que ces personnes pourraient travailler. Si le Koto que vous rencontrez avait très certainement de bonnes intentions au départ, les personnes entendront certainement dire qu'il travaille ou côtoie un vazaha et lui diront qu'il doit en profiter, pour leur bien. Sa famille et ses amis sauront le faire culpabiliser et au final, il agira de manière intéressée. Il existe également beaucoup de Ketaka, qui n'ont pas eu d'éducation et qui ne sont pas forcément mauvaises. Elles veulent simplement avoir une chance de s'en sortir pour offrir un meilleur avenir à ses frères et soeurs ainsi qu'un doux repos à ses parents. Il existe également des Ketakas qui sont réellement amoureuses des étrangers et qui ne demandent qu'à le prouver.
Ce que j'essaye de vous expliquer, c'est qu'il faut du temps et de la patience, mais que lorsque l'on essaye de comprendre, lier un lien d'amitié devient alors possible. Vous avez toujours la possibilité de dire non lorsqu'un malgache vous demande de l'argent, en lui expliquant qu'il doit le gagner ou que rendre un petit service de temps à autre crée des liens d'amitié. Et cela ne signifie pas que vous deviez lui tourner le dos, au contraire, parlez-lui, discutez, apprenez à le connaitre et partagez vos passions avec. Ce Koto ne demande au final qu'à sortir la tête de l'eau. Cette Ketaka ne demande au final qu'à être aimée, à avoir de l'éducation et à être libre.
Voilà, ce fut long, merci à tous ceux qui ont lu jusqu'à la fin.