Le réveil du tigre

Bonjour à tous,

Je me présente, je m'appelle Ven Sin, mais vous pouvez m'appeler Sinva, je vous expliquerai ça après ;)

J'ai bientôt 39 ans, encore toutes mes dents et 3 cheveux blancs (si si, j'ai pris le temps de chercher ces sales bêtes).

Je suis né le 15 juillet 1974, dans une tranchée, dans un village nommé Koh Krolor, dans la province de Battambang.

Mon premier contact avec le vie fut rude. A l'âge de 3 semaines, je dormais paisiblement dans un hamac lorsqu'une bombe lancé d'un avion est venu exploser à quelques mètres de moi. Mon père qui était dans les environs, est venu me rechercher ... sous la terre. L'explosion avait totalement recouvert le hamac de terre. Il parrait que je ne bougeait plus, que du sang me sortait de la bouche, du nez ... des oreilles.

Ma mère pleurait de toutes ses larmes et mon père lui disait que c'était la vie, qu'il n'y avait rien à faire. Il me prit pour me laver et pendant ce rituel, je me suis remis à respirer et à reprendre des couleurs. la seule séquelle que je garderai de cet épisode, c'est une cicatrice sur l'avant bras droit, dû à un débrit de la bombe. je crois qu'elle y est encore et qu'elle restera là jusqu'à ma mort. Elle fait partie intégrante de moi.

Mon petit frère qui est né deux ans après moi a eu aussi deux situation de mort clinique ou il est resté plus d'une heure sans respirer mais qui est revenu à la vie.

Lors de notre fuite du cambodge vers la Thailande, nous avons mis près de 4 ans à nous cacher la journée et à avancer en rampant la nuit pour détecter les mines. Il paraîtrait que ni mon frère, ni moi n'avons pleurer 1 seule fois. J'ai l'impression que bébé déjà, mon frère et moi-même avions compris que notre survie dépendait de notre silence, et cela malgré le manque de nourriture, les maladies et les autres dangers de la fôret.

Notre survie tient du miracle, sachant que mes parents étaient très jeunes à ma naissance (17 ans pour mon père et 19 pour ma mère) et que ma mère à eu deux enfants morts nés durant notre fuite. D'ailleurs, ma mère nous a toujours appelé les fils de Boudha, allez savoir pourquoi, mais j'ai quand même l'intime conviction qu'on nous a protégé.

Arrivé à la frontière Thailandaise, nous sommes encore resté quelques mois là, car les thai ne voulaient pas que l'on passent. Mais après plusieurs mois, ils nous ont enfin laissé passer. Nous sommes arrivés dans un camps de réfugiés géré par la Croix-Rouge Suisse.

Pendant ce bref séjour (quelques mois), une épidémie de palu ou de malaria à décimé tous les enfants en bas âges et n'a épargné que 5 enfants, mon frère et moi-même ainsi que 3 autres enfants.
Enfants de Boudha vous avez dit ?

un jour, un employé de la Croix-Rouge est venu nous voir. Apparemment, notre santé l'a interpellé. J'avais 5 ans et je ne pouvais pas me mettre debout à cause de la malnutrition. Mon frère ne devait pas être beaucoup mieux. Arriva un interprète qui a demandé à mon père s'il était d'accord d'aller en Suisse. mon père à répondu "Je ne connais pas la Suisse, mais si vous me faites sortir de l'enfer du Cambodge, je vous suivrai partour"

Je me souviens d'avoir attendu à l'extérieur avec plein de gens autour de moi, autour d'une clôture et soudain un bruit assourdissant et l'herbe qui s'écrasait sur le sol. Les hélicoptères venaient d'arriver et nous partîmes enfin loin de ces horreurs.

Plus tard, je me rappelle avoir regardé par les hublots. Il faisait noir et j'apercevai au loin d'autres lumières provenant d'autres hublots sur un autre avions. il y avait peut-être un autre garçon qui faisait comme moi et me voyait de loin...

on était arrivé de nuit, à Zürich, en décembre 1979, vétus d'habits vétustes, d'un pays ou il fait 30 degrés à l'ombre...

Depuis, de l'eau à coulé sous les ponts, ma petite vie de jeune Bear Grill m'a permis de pas trop mal m'en sortir et je me sentais bien dans ce pays d'acceuil qui est la Suisse.

Mes parents ont fait du mieux qu'ils pouvaient pour nous éduquer et nous donner les coups de pouce pour grandir. tien, en parlant de grandir, notre famille s'est agrandie pour maintenant compter 6 enfants (4 garçons et 2 filles fausses jumelles). Ma mère voulait absolument des filles. Du coup l'arrivée des jumelles était une bénédiction ...

Les années passants, mes parents sont retournés plusieurs fois au Srok, créant une association et apportant régulièrement des médicaments. Sans moi. Sans moi, qui pourtant inconsciemment avait effacé de ma mémoire toutes les atrocités que ma petite personne avait pu voir lorsque j'étais tout petit. Sans moi,qui était tombé follement amoureux d'une Cambodgienne qui m'a laissé tombé après quelques mois parce que ... ses parents ne voulaient pas qu'elle fréquente un "pauvre". Evidemment, j'étais étudiant, donc je ne gagnais pas encore ma vie. Sans moi, qui malgré le fait de savoir que plusieurs filles m'attendaient au Srok pour se marier avec moi, parce que mes parents avaient envoyé une photo de moi à pratiquement tout le pays.

Il y a un peu plus d'une dizaine d'années, je voyais dans mes rêves toujours la même scène. Je voyais une colline verdoyante avec en son sommet un grand arbre. Au pieds de cet arbre, un vieil homme debout me souriait. Il est habillé d'une sorte de toge blanc. Cette vision, je l'ai eu durant plusieurs années.

Malgré la demande incessante de mes parents pour que j'aille visiter le pays, je ne me sentais toujours pas prêt. Pourquoi ?
Peut-être que le fait d'avoir vécu mes 5 premières années pendant la guerre m'avait découragé... Peut-être la peur de toutes ses personnes restés au pays qui me connaissaient et dont je ne peux ni mettre un nom, ni mettre un visage... Peut-être que j'étais devenu trop Suisse, peut-être la peur de perdre mon confort ...

Puis un jour, en fumant une cigarette à la fenêtre de ma cuisine, je revis cette vision du vieil homme en blanc. Il semblait m'appeler, me dire que j'étais perdu et que je me retrouverai si je venais le voir ... au Cambodge. Ni une, ni deux, j'en parle avec ma copine (qui est Suisse) et nous décidons de préparer les valises pour janvier 2012.

Durant tout le vol aller, plein de questions traversaient mon esprit. que vais-je trouver, découvrir ? Qui est cette personne que je vois dans mes rêves et qui m'appelle ? comment je vais ressentir ce pays que j'avais quitté il y a 30 ans ? Y a-t-il des Suèdoises au cambodge ? (je m'égare, je m'égare...)

Arrivé à l'aéroport de Phnom Penh, lorsque j'ai posé mon pieds sur le tarmac, ma première sensation fut "Je suis chez moi, c'est mon pays"

Ce fut la révélation, et quelle claque. Nous sommes arrivé chez un cousin de mon père qui a une si grande famille que lorsque nous avons pris une photo de "famille", il n'avait pas remarqué qu'il manquait 2 de ses fils ...
Parmis toutes ses personnes, une vieille dame, septantaine d'année vient vers moi. Elle me pris la main droite et regarda la cicatrice. elle s'est mise  à montrer à tout le monde et à dire "regardez, c'est lui, c'est l'enfant qui a survécu à la bombe. C'est Sinva. J'ai appris donc que les gens là-bas me connaissaient comme Sinva, l'enfant qui a survécu à la bombe ...
Ils me connaissaient tous et moi je ne connaissais personne.

Plus les jours passaient, plus je me sentais chez moi. un jour, je demanda à ma mère de m'emmener sur mon lieu de naissance. elle s'y refusa en prétextant qu'elle avait trop de mauvais souvenirs, qu'il y avait eu trop de souffrance. d'un côté, je comprenais ma mère qui n'a pas dû avoir de bon souvenirs de cet endroit, mais de l'autre côté, j'avais un besoin vicéral de retourner voir cet endroit. J'ai fais la gueule pendant deux jours et elle a fini par céder. Bien lui en a pris. Durant notre trajet en Nori (bambou train) pour rejoindre mon village natal, le bruit que faisait la wagonnette sur les raccords des rails mal alignés rythmait les souvenirs de mes 5 premières années.
Plus nous avancions plus mes souvenirs se raprochaient de mon année de naissance, 1974, l'année du Tigre.

Arrivé à notre arrêt, je n'ai pas ressenti de chose particulière. Nous nous promenions à l'entrée de ce petit village bien pauvre. Et soudain, ma mère s'arrêta devant une vieille maison sur pilotis. Elle glissa quelques mots à ma copine qui parti en rire très communicatif. Elle m'apprit que c'était dans cette maison que mes parents m'avait "conçu". Incroyable de retrouver cet endroit, autant pour moi que pour ma mère. Ce qui était tout aussi incroyable, c'est que toutes les maisons autour avaient été détruites. Il ne restait que celle-ci debout et encore en relativement bon état. vous avez dit "fils de boudha" ?

Nous continuames pendant quelques centaines de mètres et là j'apercois au loin un arbre énorme qui reteint toute mon attention. Le même que dans mes visions. Je m'approcha de celui-ci et senti que celui-ci m'appelait. Je m'approchai sans savoir pourquoi. Arrivé au pides de celui-ci, ma mère me décrivit ce que cet endroit était.

50 mètres à gauche, c'est là que mon grand-père avait vécu. 50 mètres à droite, c'est là qu'il repose maintenant. Ce vieil homme, habillé en blanc qui me souriait...

Durant toutes ses années, je suis sûr qu'il était prêt de moi, qu'il me protégeait. Maintenant qu'il a revu son petit fils et qu'il sait qu'il n'a pas oublié ses racines il peut désormais se reposer en paix. Merci grand-père pour ton héritage, ton calme et ton sourire ont fait de moi quelqu'un de plus fort qu'aucun ne le sera, même avec des armes.

un peu plus loin, ma mère me montra l'endroit ou je suis né. On ne voit plus la tranchée, mais les bruits et les odeurs de l'époque m'envahissent très vite et je me revois bébé endormi dans ce hamac. Juste à côté, ma mère me montra la pagode (entièrement détruite pendant Pol Pot mais reconstruite plus belle qu'avant depuis) dans laquelle, tous les habitants du vilage s'étaient réfugiés lorsque les khmers rouges sont arrivés. Ils n'ont pas osés rentrés pour nous capturés mais ils nous avaient dit que cette pagode serait notre tombeaux à tous.

A quelques mètres de là, un autre arbre semblait se tordre de douleurs tellemet le tronc et les branches dégageait de la soufrance. Ma mère nous racontat que sous cet arbres, les khmer rouges avaient capturés les soldats qui devaient nous protéger, et les avaient égorgés un par un, pour que nous, depuis la pagode, on entende leur cris, qu'on sente leur sang.

Je vous racoterai plus tard comment on a réussi à sortir vivant de cette pagode, parce que sinon, on est encore la demain ;-)

A la fin de notre voyage, ma copine et moi avons décidé de venir y habiter. nous avons rencontré plein de monde, j'ai découvert plein de choses sur moi, mon pays. Ma copine adore la cuisine cambodgienne épicée ;-) et nous avons le même souhait :

Partir de la Suisse qui n'a plus rien à apporter, pourtant pays natal de ma copine et pays d'accueil pour moi. ce pays "libre" ne l'est plus pour moi. En Suisse, ce qui n'est pas interdit est obligatoire ( et je vous jure que ce n'est pas loin de la vérité ). Nous n'avons pas d'énormes moyens, mais ce que nous voulons maintenant, c'est de vivre en aidant les autres. Pour ce qui est du confort, ben pour ma copine, il lui faut une maison, un jardin potagé, une piscine, quelques poules et lapins et pour moi, ben une canne à pêche me conviendra parfaitêment. C'est un peu idéaliste, mais c'est juste un concpet pour comprendre notre point de vue.

La société capitaliste consomatrice actuelle dans les pays riches ne nous convient plus. Nous voulons être proche de la vie simple, sans stress ni palliettes. nous voulons aider des gens, et tant pis, si on ne peut aider que 3 personnes, ben c'est déjà ca.

notre prochain voyage au Cambodge est prévu pour la fin de l'année prochaine. d'ici là, on compte les jours. Nous comptons nous y établir définitivement en 2016. Ca fait long, mais ca nous laisse le temps de faire 2-3 voyages encore au cambodge et de paufiner notre départ.

J'ai entendu dire que les tigres au Cambodge étaient en voie de disparition. Y en a un qui va y retourner, et croyez-moi, les braconniers ne vont pas l'attraper celui-là.

le Tigre s'est réveillé.

Merci pour ceux qui m'ont lu jusqu'à la fin. Ca fait un peu long, mais je ne me voyais pas me présenter en vous disant :

Bonjour, je m'appelle Ven Sin. je suis grand et fort et intelligent et drôle et très beau (même si c'est vrai). Il me paraissait important que vous connaissiez mon histoire pour me connaitre.

Je me réjouis vraiment de pouvoir échanger avec vous. je lis votre blog depuis mon retour en Suisse. Et je pense que je le lirai jusqu'à mon retour dans mon pays.

Je vous souhaite une bonne journée.

A bientôt.

Merci Sinva pour ce beau temoignage et bon retour dans votre pays...
J'espere que vous realiserez ici votre reve et vivrez d'aussi bons moments que je vis dans votre pays....

Je te souhaite paix, quiétude et bonheur dans ton pays.

Quant à moi c'est la politique dont les flamingants (nationaliste), un mauvais islam irrespectueux de la terre d'accueil qui nous consume peu à peu ainsi que l'imposition aveugle qui m'ont fait quitter ce beau pays qu'était la Belgique.