Revue brésilienne "Veja": ouvrir une entreprise au Brésil.

Dans l'excellente revue brésilienne "Veja" dont les anciennes publications sont mises généreusement à la disposition de tous sur le site suivant:
http://veja.abril.com.br/acervodigital/home.aspx
on peut trouver dans le numéro 2245 de novembre 2011, pages 122 à 130, rubrique économie, une excellente analyse de la situation et de nombreux conseils qui s'adressent à tous ceux qui veulent ouvrir une entreprise au Brésil.

Je me propose de citer les 10 conseils qui y sont donnés et de les commenter à la lumière de mon expérience personnelle d'entrepreneur au Brésil.

Ces conseils sont utiles car seulement la moitié des nouvelles entreprises créées au Brésil survivent aux 4 premières années d'existence.

Beaucoup d'expats, parfois alléchés par le visa d'investisseur, se font des illusions sur les chances de succès qu'ils auront en ouvrant une entreprise au Brésil.

Il est nécessaire et urgent de faire le point sur la situation pour éviter les désillusions et les déconfitures.

Je citerai les conseils un par un afin que chacun puisse les commenter avec son expérience et ses doutes.

1 : Ne pas avoir peur de prendre des risques
Dans l'article de la revue Veja, on cite un exemple d'une architecte de 32a qui n'a pas hésité à faire un emprunt alors que ses associés l'avaient abandonnée et que son entreprise "battait de l'aile".
Il lui a fallu deux ans pour rembourser l'emprunt et en 2011, le chiffre d'affaire de son entreprise a atteint 400.000 reais.

Personnellement, ce n'est pas un conseil que je donnerais à un expat qui commence une entreprise au Brésil car:
- il faut prendre des risques calculés, avec une parfaite connaissance des chances de réussite; quand on arrive au Brésil, on a énormément à apprendre et on est pas capable de faire une évaluation objective des risques.
- les taux d'intérêts sont élevés au Brésil: on risque de tomber dans un cercle vicieux de devoir faire de nouveaux emprunts pour payer les intérêts du premier.....dans ce cas, la faillite est proche.
- ce conseil suppose que l'on puisse obtenir un prêt, ce qui n'est pas évident pour un expat qui n'a pas de propriété au Brésil à offrir en garantie.
- prendre des risques, c'est "quitte ou double".

Je conseillerais plutôt à un expat de commencer petit avec des investissements réduits sur fonds propres car il faut environ 5 ans d'expérience au Brésil avant d'être réellement capable de se lancer à plus grande échelle avec une chance raisonnable de succès.

Je n'ai pas noté de réaction au conseil n°1, nous pouvons donc passer au deuxième conseil:

2: Ne pas vouloir faire tout soi-même
Voila un conseil vraiment très judicieux pour les expats qui veulent ouvrir une firme au Brésil.
Et ceci pour plusieurs raisons:
- en arrivant au Brésil, on a beaucoup à apprendre, il vaut mieux ne pas se surcharger.
- il y a de nombreux services disponibles au Brésil à un coût concurrentiel.
- les Brésiliens ont, de manière presque innée, beaucoup de talent, de compétence et de créativité dans les domaines suivants: relations humaines, marketing, ventes, publicité, diplomatie et négociation en général, ...etc...

Quels sont les services auxquels il faut faire appel, du moins au début?
- comptabilité: il y a de nombreux bureaux de comptabilité honnêtes et compétents: faire appel à leurs services vous tirera une "épine du pieds", et vous évitera de payer de lourdes amendes au fisc.
- ventes: (représentation, vendeurs autonomes, etc...): les Brésiliens ont le don de la vente, de plus, ils connaissent le marché, ils feront certainement beaucoup mieux qu'un expat récemment arrivé sur place.
- marketing et publicité: là aussi, tout à gagner de confier cette tâche à des Brésiliens.
- production: on peut recourir à des tiers car cela permet d'éviter les lourds investissements en outils et machines de production. On a aussi tout avantage à éviter les frais fixes (salaires par exemple) alors que la facturation n'est pas encore stable.
A São Paulo, on trouve pratiquement tout ce que l'on cherche...si on ne trouve pas, c'est qu'on a mal cherché...

3: Innovation sans gestion ne garantit pas le succès
Pour illustrer ce principe, la revue "Veja" cite la firme "Automatisa" fondée en 1996.
Les associés de l'entreprise étant tous ingénieurs, ils n'avaient aucune difficulté à créer de nouvelles machines, par contre, au niveau administratif et commercial, la firme avait des lacunes et difficultés.
En 2003, ils ont engagé des personnes chargées de la gestion de l'entreprise et actuellement, la firme compte une soixantaine d'employés et vend 11 types d'équipements.

Ce conseil rejoint un peu le précédent dans la mesure où il confirme que personne n'est "bon en tout" et qu'il faut se faire aider par des personnes (ou des firmes sous-traitantes) plus qualifiées que soi dans les domaines qui sortent de sa spécialité.

Comme toujours au Brésil, il ne faut jamais accorder une confiance aveugle en ses collaborateurs: la prudence s'impose et des contrôles et vérifications sont toujours nécessaires, MAIS IL FAUT LE FAIRE AVEC BEAUCOUP DE DISCRÉTION ET DE TACT car les Brésiliens sont en général fort susceptibles.

En règle générale: éviter de mettre un Brésilien en difficulté devant les autres, il pourrait le considérer comme une insulte et garder "une dent" contre vous.
Si l'occasion se présente, même longtemps après, il pourrait se venger d'une manière ou d'une autre.

La revue "Veja" rappelle aussi deux lois importantes:
- la loi générale de la micro et petite entreprise approuvée en 2006, plus connue sous le nom de "loi du simples", qui constitue une réforme tributaire permettant aux PME de payer 8 impôts différents sous forme d'un tribut unique au taux réduit.
- la loi de l'entrepreneur individuel apparue en 2009 qui permet d'ouvrir son entreprise seul, sans devoir trouver un associé.

Ceci permet de commencer une affaire avec peu d'investissements et de pouvoir de la sorte tester sa viabilité avec peu de risques.
La revue cite aussi l'exemple de la loi italienne du consortium, en rappelant qu'au Brésil, on considère souvent un concurrent comme un ennemi à vaincre alors qu'il y a intérêt à s'unir, par exemple pour exporter ou pour développer de nouvelles technologies.

4: analyser à fond la concurrence

La revue cite l'exemple d'un vendeur de "pop corn" qui a commencé en 2006, au centre de Curitiba.
Au départ, il a passé un mois à observer et analyser ses concurrents et il a remarqué que beaucoup ne prenaient pas soin de leur apparence personnelle, ni de celle de leur équipement.
Quand il a commencé à vendre du "pop corn", il a innové en offrant à tous ses clients un kit hygiène (fil dentaire, serviette en papier et bonbon à la menthe), ainsi qu'une carte de fidélité.
Il a ainsi gagné toute la clientèle de ses concurrents qui vendent difficilement 5 kilos par jour alors qu'il vend jusqu'à 23 kgs par jour.

C'est évidemment un excellent conseil car avant tout, il faut être bien informé, tant du marché en soi, que des solutions adoptées par la concurrence.

Toutes les informations indispensables pour ouvrir une micro ou petite entreprise se trouvent sur le site du SEBRAE, service brésilien d'appui aux micro et petites entreprises.

http://www.sebrae.com.br/

Le site est bien entendu en portugais, mais, si vous voulez investir au Brésil et ouvrir une entreprise, la première chose à faire, c'est d'apprendre la langue portugaise: c'est une condition "sine qua non".

5: Soyez attentifs aux nouveautés du marché

C'est un conseil qui favorise les expats.
En effet, la mondialisation est irréversible et le Brésil a vécu pendant longtemps sous un régime fortement protectionniste dont on ressent toujours les effets.
Mais les choses changent et les expats connaissent mieux que les brésiliens la manière dont évolue et évoluera le marché international.
Au Brésil, on est, certes, en retard d'un pas dans cette évolution, mais on y arrivera aussi.
Par exemple, le domaine des services de réparation et d'entretien est clairement condamné à disparaître pour être substitué par le "jetable", non seulement dans le domaine grand public, comme aussi dans le domaine industriel.
En ce qui concerne les nouveautés du marché, les Brésiliens sont très rapides pour s'adapter...alors si vous pouvez peut-être avoir un avantage dans ce domaine, il ne sera que de courte durée.

6: Ne pas se limiter à une seule idée

La revue cite l'exemple de l'Avocate Ana Carolina Vaz qui avait pensé que d'autres personnes pourraient aussi vouloir comme elle des couches-culottes pour ses chiennes.
Mais ce produit n'était pas disponible sur le marché.
C'est ainsi qu'est née l'entreprise Dog's Care qu'elle a fondée avec son mari Marcelo Augusto.
Les couches-culottes ont fait succès mais l'entreprise a réellement fait un bond en avant lorsqu'elle s'est mise à vendre une ample ligne de produits pour chiens. Ce qu'elle vend le plus, c'est le tapis hygiénique.
Aujourd'hui avec 25 collaborateurs, la firme Dog's Care devra faire un chiffre d'affaire de 4 millions de reais en 2011.

C'est aussi un excellent conseil : il ne faut pas s'endormir sur ses lauriers.
Avoir eu une bonne idée peut effectivement aider une entreprise à ses débuts, mais la concurrence peut très vite s'adapter et copier l'idée.
D'autre part, certaines idées ont un succès éphémère, par exemple, parce que c'est à la mode.
Il faut diversifier ses produits, services et activités pour rester toujours concurrentiel.

Que faire si l'on a pas d'idée ou si l'on est pas sûr de son succès?
Ce problème se pose particulièrement pour les expats qui n'ont pas encore une expérience suffisante de la vie au Brésil et qui veulent investir dans ce pays.
Une option est de s'associer à une firme déjà existante.
Mais attention, pour qu'une telle association soit réussie, un simple apport de capital n'est pas suffisant, il faut aussi y apporter une contribution active par ses compétences et son travail.
Une autre option est celle d'acquérir une franchise (franquia).
Le principe de la franchise est simple: il s'agit d'une activité industrielle ou commerciale qui a déjà connu un succès notable et dont vous ouvrez une succursale avec l'appui du propriétaire de la franchise.
Vous profitez ainsi de son expérience et les chances de succès sont élevées.
La rétribution se fait par un pourcentage sur le chiffre d'affaire.
C'est un excellent moyens pour commencer et apprendre à connaitre les finesses du marché brésilien.
Cependant, il est possible que le propriétaire de la franchise estime que vous n'avez pas assez d'expérience pour garantir le succès de l'activité et refuse de vous vendre cette franchise.
De nombreux conseils sur les franchises sont disponibles sur le site du SEBRAE.

Aussi:
http://franquiaempresa.com/2010/04/fran … cesso.html