Guilhem : « J'apprécie beaucoup le soin que le Japon prend à préserver son héritage culturel »

Interviews d'expatriés
Publié le 2016-03-24 à 00:00 par Expat.com team
Né à Bordeaux, Guilhem y a passé une grande partie de sa vie avant de voyager en Irlande, à La Réunion, entre autres. Il s'est finalement installé à Tokyo en 2007 après y avoir décroché un poste.

D'où viens-tu, Guilhem, et que fais-tu actuellement ?

Je suis né à Bordeaux et j'y ai passé les 20 premières années de ma vie. Puis, le démon du voyage m'a saisi et, après quelques détours, je me suis retrouvé à Tokyo. Je pensais n'y rester qu'une année. Une décennie plus tard, j'y suis toujours. Je travaille actuellement en tant que CTO chez JapanTravel.

Pourquoi as-tu choisi de t'expatrier au Japon ?

J'ai toujours été intéressé par le Japon, mais ironiquement je n'ai pas vraiment choisi de m'y installer. J'ai visité plusieurs pays à cette période (l'Irlande, La Réunion...), et il s'est trouvé que quelques amis étaient de passage au Japon. Profitant de leur expérience et de leurs recommandations (visa vacances-travail, méthode de recherche d'emploi etc.), j'ai tenté le coup. J'ai trouvé un boulot stable et je suis resté.

Comment s'est passée ton installation ?

Si ma situation professionnelle était stable (coup de bol), le reste était très chaotique. Obtenir un téléphone, aller à l'hôpital, la moindre tache était difficile. Trouver un appartement convenable m'a pris des années.

Depuis combien de temps t'y es-tu installé ?

Je suis arrivé en mars 2007, donc exactement 9 ans maintenant.

Quelles sont les procédures à suivre pour qu'un citoyen français s'expatrie au Japon ?

Le premier souci est le visa bien sûr. Les Français de moins de 30 ans peuvent obtenir un visa vacances-travail qui permet de rester au Japon durant un an et d'y travailler. C'est une excellente opportunité de rencontrer des entreprises, passer des interviews. Le visa vacances-travail ne peut pas être converti en visa de travail, mais beaucoup d'entreprises n'interviewent que des candidats qui ont déjà un visa, donc c'est un pied dans la porte.
Ceux qui ont passé l'âge limite du visa vacances-travail auront du mal à trouver un sponsor sur un visa de tourisme, et encore plus à distance. Mais les temps changent. Je suis sur que les mentalités se feront plus flexibles avec le temps.

As-tu éprouvé des difficultés à franchir ces étapes ?

J'ai eu beaucoup de chance je pense, et j'ai trouvé un emploi peu après mon arrivée. Tout s'étant bien déroulé durant l'année, mon employeur n'a eu aucune hésitation à sponsoriser un visa de travail pour la suite.

Quelles sont les particularités du marché de l'emploi japonais ? Est-il difficile pour un expatrié d'y être embauché ?

Il y a beaucoup de difficultés locales. Les grandes entreprises ont des procédures de recrutement très traditionnelles, auxquelles ne sont invités que les étudiants japonais 12 - 18 mois avant l'obtention de leur diplôme. Il est pratiquement impossible pour des étrangers de s'y immiscer. Même dans les entreprises plus petites / humaines / flexibles, le langage est une barrière souvent insurmontable. Sans compter la discrimination, peu d'entreprises feraient l'effort de s'adapter à un employé qui ne parle pas japonais parfaitement.
Du coup, la plupart des étrangers travaillent dans des « niches » culturelles, comme les écoles de langues, les médias en langues étrangères, ou les bureaux japonais d'entreprises étrangères. Là aussi, le futur frappe à la porte. De plus en plus d'entreprises japonaises essaient de s'internationaliser.
Rakuten, par exemple, a pris la décision d'utiliser l'anglais comme langue officielle, même pour les communications internes, dans l'espoir de mieux communiquer avec leurs partenaires internationaux, ou faciliter la croissance de leurs branches locales à l'étranger.

As-tu eu des difficultés d'adaptation à ton nouvel environnement ?

Je ne parlais pas japonais du tout à mon arrivée au Japon. J'ai étudié un peu de temps à autre, mais dans l'ensemble ce n'est même pas nécessaire. Les magasins s'attendent à ce que les étrangers ne parlent pas japonais. Les panneaux sont souvent traduits en plusieurs langues. Pour peu que l'on soit curieux et prêt à s'adapter, le Japon n'est pas un environnement hostile.

Qu'est-ce qui t'as le plus surpris à ton arrivée au Japon ?

L'une des choses que je ne comprends toujours pas est l'architecture / l'aménagement intérieur. Il n'y a pas d'isolation, pas de chauffage central. Si la rue est bruyante, l'appartement est bruyant. Il est inutile de proposer au propriétaire d'installer des double-vitrages à mes frais. Un étranger faisant construire une maison au Japon m'a dit avoir eu le plus grand mal à convaincre les ouvriers de changer leurs technologies, parce que « ici, on fait comme ça ». Les bons côtés passent facilement inaperçus.
C'est au contraire en quittant le Japon que l'on s'en aperçoit. En visitant les pays voisins, le manque de respect des règles élémentaires (laisser les passagers du train descendre avant de monter, ne pas bloquer un pas de porte) est choquant par contraste.

As-tu eu des difficultés à rechercher un logement ? Quels sont les types de logements qui y sont disponibles et accessibles aux expatriés ?

Au début j'ai pris une chambre dans une « guesthouse ». Beaucoup de « guesthouses » sont destinées aux étrangers, et certaines sont très confortables. Donc, c'est bien dans un premier temps. Il n'est aussi pas très difficile de trouver des agences immobilières pour étrangers, qui proposent des appartements « spéciaux » et des propriétaires « amicaux ». Mais tous incluent un surcoût caché, offrant des appartements 10 - 20% plus petit pour 10 - 20% plus cher que la moyenne. Trouver un appartement sans « gaijin tax » a été un long calvaire. Cela requiert une bonne pratique du japonais, de la persuasion, et de la chance.

Que penses-tu du mode de vie des Japonais ?

On pourrait écrire des livres sur le sujet. Mais en fin de compte, c'est comme partout : on trouve toutes sortes de gens partout. Une chose que j'ai trouvée intéressante est l'approche japonaise de la religion. On trouve à Tokyo un mixe d'autels (shinto) et de temples (bouddhistes), que les Japonais visitent indifféremment.
Beaucoup d'étrangers ne font pas la différence et j'ai eu l'impression, durant mon séjour, que beaucoup de Japonais ne faisaient pas la différence non plus. De la même manière que certaines religions ont plusieurs divinités, ici toutes les religions semblent fondues en une seule, Jésus n'étant qu'un « kami » de plus dans le panthéon, comme on voit dans Saint Young Men.

Une idée reçue qui s'est avérée fausse ?

Je m'attendais à ce que les champions dans les disciplines sportives japonaises soient Japonais. J'ai été surpris de découvrir que le dernier Yokozuna (champion sumo) japonais a pris sa retraite en 2000. Il y a eu depuis 5 Yokozuna, dont pas un seul Japonais.

A quoi ressemble ton quotidien à Tokyo ?

Mes horaires de boulot sont flexibles. Je bosse de 9h à 18h, ou de 10h à 19h, ou autre en fonction. Cela me laisse du temps le soir pour me détendre ou bosser sur des projets personnels. Le week-end, je fais souvent des day trips vers les environs, comme de la randonnée du côté de Mitake-san, ou je visite des expositions temporaires dans les musées de la ville.

Quels sont les loisirs accessibles aux expatriés ?

Je ne pense pas qu'il y ait de restriction sur les loisirs. J'ai rejoint des groupes de jonglage, de plongée, de roller blade. Tous étaient ravis d'accueillir toute personne partageant la même passion, même sans langage commun. Au fil des années, j'ai trouvé des groupes d'amis pour des soirées film ou jeux. Au final, la plus grande difficulté c'est que beaucoup d'amis expatriés quittent le Japon un jour ou l'autre. C'est fatiguant au bout d'un moment les adieux.

Qu'est-ce qui te plait le plus au Japon ?

Pour avoir visité beaucoup de pays, j'apprécie beaucoup le soin que le Japon prend à préserver son héritage culturel. Kyoto est un excellent exemple, avec ses nombreux temples et palais en parfait état à explorer durant des jours.

Qu'est-ce qui te manque le plus par rapport à la France, ton pays d'origine ?

Comme toujours, la famille, les amis... Le fromage, aussi.

Un évènement particulier que tu as vécu au Japon et que tu voudrais partager ?

Beaucoup de Japonais traditionnels ont tendance à ne pas se sentir à l'aise avec des gens d'autres cultures; beaucoup de Japonais ouverts aux cultures s'y adaptent. Une fois de temps en temps, très rarement, on rencontre une personne très traditionnelle et très ouverte à la fois. C'est une occasion unique de vivre le vrai Japon et de partager la vie locale. C'est une expérience incomparable.

Quel est ton avis sur le coût de la vie au Japon ?

Le prix des logements est exorbitant. La plupart des entreprises payant les transports en commun, beaucoup de gens choisissent de vivre loin du centre-ville pour limiter les frais. Le reste est plutôt raisonnable, comparé à la France. Les plats préparés (bento, restaurants, livraisons à domicile) tendent à être moins chers, les ingrédients frais tendent à être plus coûteux. Les produits locaux (le nato, par exemple) tendent à être bon marché, les produits importés (comme le fromage) sont souvent hors de prix.

Qu'est-ce que JapanTravel ?

JapanTravel est un guide touristique en ligne gratuit mais aussi un site d'information collaboratif. Les membres peuvent partager leurs expériences, en écrivant des articles (blogs, guides, photos, etc), en posant / répondant à des questions, etc. Chaque article, reportage photo, vidéo ou commentaire proposé rapporte un certain nombre de points que l'on peut échanger sur le site contre des nuits d'hôtel au Japon, des cartes cadeaux, des appareils photos, des dîners dans des restaurants au Japon...
Ce modèle a conduit à une croissance accélérée et le site est riche en information et haut en couleurs. Il peut être particulièrement utile pour faire du repérage pour un futur voyage touristique, ou juste pour rêver. Le site a également mis en place un système de « stage » en photojournalisme de quatre semaines au Japon. JapanTravel prend en charge l'hébergement et le transport sur place et en retour il est demandé un article par jour, le but étant de promouvoir le Japon et de faciliter la visite du pays pour le plus grand nombre.

Comment le site vient-il en aide aux expatriés ?

La plupart des contributeurs du site résident au Japon. JapanTravel regroupe donc une importante communauté d'expatriés qui partagent de différentes manières leurs bons plans, conseils et coups de cœur entre eux mais aussi avec les futurs voyageurs. Aussi, le système de point peut être utile pour les personnes qui souhaitent partager leurs expériences tout en étant « récompensé ».

Des conseils à donner aux personnes qui souhaiteraient s'expatrier au Japon ?

Faites-le ! Dans le pire des cas, ce sera une expérience et des souvenirs inoubliables. Prévoyez un plan B au cas ou cela ne marcherait pas, et tentez votre chance. C'est comme un œuf surprise: on sait pas ce qu'on gagne, mais il n'y a pas de perdant.

Tes projets d'avenir ?

De Hokkaido à Okinawa, j'ai pas mal visité le Japon, mais je n'ai pas eu beaucoup l'occasion de visiter le reste de l'Asie. Tant que je suis dans le coin, je vais essayer de visiter les pays voisins un peu plus. A part cela, on verra ce que l'avenir me réserve.

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