Anna à Polignano a Mare : « Les Italiens sont des personnes dans l'ensemble chaleureuses »

Interviews d'expatriés
Publié le 2015-04-02 à 00:00 par Expat.com team
Anna, expatriée française, s'est installée à Polignano a Mare en 2004. Mariée et mère de famille, c'est une femme très occupée entre lecture, jardinage, s'occuper de ses animaux et sorties avec son amie...

D'où viens-tu Anna, et que fais-tu actuellement ?

Je viens d'un village près de Metz, avec mon mari qui est français et nos trois filles âgées de 20 à 25 ans. Nous y avons encore notre maison. J'étais secrétaire médicale et j'avais perdu mon emploi. Actuellement, je suis sans emploi, mais j'ai exercé le métier de lectrice de français dans les lycées, en Italie, parfois à 120 km de mon domicile, à raison de 3 ou 4 h de cours dans la semaine. Un salaire très bas, malheureusement, en ce moment. Les demandes sont de plus en plus rares. Nous, lecteurs de français, sommes assujettis à une liste à point appelée « graduatorie », et ceux ou celles qui accumulent le plus de point par années de service ont la chance d'être appelés dans les établissements scolaires.

Comment s'est passée ton installation en Italie ?

Nous nous sommes installés en 2004. L'installation était un peu chaotique au départ, car il fallait s'inscrire à la « questure » à Bari. La seule chose qui les intéressait dans ces bureaux était notre situation économique et si nous occupions un emploi, car ils avaient peur que nous profitions de leur assistance sanitaire alors que nous avions acheté, à l'époque, un terrain et que nous avions donné plus de 20% de taxe à l'État italien ! Bref, actuellement les européens s'affranchissent de ces démarches. Seuls les extras-communautaires (hors Europe) doivent encore se diriger vers ces administrations.

Qu'est-ce qui t'a attirée vers ce pays ?

Moi personnellement, j'y ai mes racines. Mes parents sont originaires des Pouilles. Ce qui nous a vraiment attiré, ce sont les oliviers centenaires et la végétation. Ici tout pousse et les fruits et légumes sont d'une excellente qualité. Nous aimons beaucoup la végétation. De ce fait nous habitons en campagne. Ensuite, le climat est optimal. Il y a au moins 300 jours d'ensoleillement dans l'année. Donc j'en profite. Moi qui adore le soleil et la chaleur, je suis servie !
Mon mari ne s'y est malheureusement pas adapté. Nous n'avons pratiquement aucun revenu ici, nous vivons de quelques loyers que nous avons en France et de la vente de notre patrimoine immobilier en France. Mon mari étant antiquaire, il se heurte au manque de culture des Italiens dans ce domaine, doublé d'une crise économique sans précédent.

Quelles étaient les procédures à suivre pour qu'une citoyenne française s'expatrie en Italie ?

Faire les démarches usuelles : obtenir une carte d'identité auprès de la commune, relativement facile et sans attente, « un codice fiscale » à l'Agenzia delle Entrate (centre d'impôt italien) et faire souvent 45 km pour aller dans ce bureau, car celui près de notre domicile est complétement saturé avec 2 à 4 h d'attente minimum. On peut aussi se faire aider par un syndicat qui s'occupe de toute les démarches administratives. Le coût est d'environ 20€ par an, donc cela en vaut la peine.

As-tu éprouvé des difficultés à franchir ces étapes ?

Au début à la « questure », c'était long et fastidieux. Il faut dire que du point de vu administratif, c'est très compliqué, surtout si l'on veut faire des travaux ou construire une maison. C'est le parcours du combattant, à moins d'être aidé par des personnes compétentes et ce n'est pas gagné ! Tout est compliqué de ce point de vue là. Il y a une multitude de bureaux, de personnes à payer, de taxes en tout genre, de délais non respectés, enfin bref une lutte quotidienne.

Qu'est-ce qui t'as le plus surpris à ton arrivée à Polignano a Mare ?

Ce qui m'a le plus surprise c'est la différence culturelle. Les femmes de mon âge, bien attachées au giron familial, ont très peu de temps pour elles. Elles s'occupent à temps plein de leur enfants, même si ceux-ci sont adultes, et de leur mari ! Donc, très peu de place pour l'amitié. D'ailleurs je n'ai qu'une seule amie qui n'est pas mariée et n'a pas d'enfant.
Ce qui m'a assurément surprise, c'est le manque de civilité des Italiens, surtout au volant de leur voiture. Ils n'ont aucun respect des panneaux de signalisation, ni des piétons. Ils ne s'arrêtent pratiquement jamais pour laisser passer les piétons sur le passage clouté, et ne remercient jamais lorsqu'on les laisse passer quand ils font du forcing. Ils roulent vite, ne se servent pas de leur clignotant (apparemment c'est une option) et font des appels de phare pour doubler sur l'autoroute. Cela est vérifiable sur 80% des conducteurs. Donc, nous devons faire preuve de prudence lorsque nous prenons la route.

As-tu eu des difficultés à rechercher un logement ?

Non, puisqu'au départ nous avions une maison en location qui appartenait à un cousin. Nous y sommes quand même restés 9 ans. Nous avions des problèmes familiaux. J'ai dû m'occuper de mon vieux père atteint de la maladie d'Alzheimer. A son décès nous avons rénové sa maison et avons déménagé.

Que penses-tu du mode de vie des italiens ?

Les Italiens sont des personnes dans l'ensemble chaleureuses. Il faut bien choisir ses amis car beaucoup sont superficiels. Ils ont un mode de vie un peu trop basé sur le paraître. Les mariages sont hors de prix et ce sont les invités qui « paient leur table » avec une enveloppe de 250 € par personne. Donc, c'est assez hypocrite dans l'ensemble. Les jeunes générations sont attachées à des marques et ne pensent qu'au superflu, trop gâtés par leurs parents. C'est même ceux-ci qui avancent tous les frais de mariage et d'installation, souvent sans aucun retour financier de leur enfant.
Mais il y a un point positif dans le sens où les personnes âgées sont prises en charge par les familles. Rares sont ceux qui vont dans une maison de retraite pour les soins aux personnes en manque d'autonomie. Les familles font appel aux personnes venues de l'Est, nourries et logées, avec un salaire d'environ 500 € à 900 € par mois.

Une idée reçue qui s'est avérée fausse ?

Les Italiens parlent avec les mains. Vrai et faux. Dans l'ensemble, ils se comportent comme les Français pour communiquer. Mais bon, c'est à l'appréciation de chacun.

As-tu eu des difficultés d'adaptation à ton nouvel environnement ?

Au début, un peu. Mais je suis contente de cette expérience car mes filles sont actuellement bilingues et ont deux cultures. C'est toujours un enrichissement à tous les niveaux. Les Italiens adorent la langue française et le peuple français en général. Dès qu'ils s'aperçoivent que je suis française, ils sont tout sourire et me font un super accueil ! Ils adorent aussi notre accent français lorsque nous parlons l'italien. Mais pour ceux qui voyagent peu, la France se réduit à la seule ville de Paris et c'est dommage.

A quoi ressemble ton quotidien à Polignano a Mare ?

Les sorties le dimanche soir avec mon amie, le ciné de temps en temps dans ma ville. L'été, c'est très agréable, les pizzérias et les glaces sont très abordables, la mer est transparente. Si on s'installe sur les rochers, c'est plus propre que le sable où les vacanciers jettent leurs mégots ! Mais la commune a fait un gros effort en installant des poubelles sur presque tout le littoral mer. je déplore le manque de sanitaires : à moins d'aller sur une plage privée, il n'y en a pas, et les parkings manquent aussi cruellement.

Que fais-tu pendant ton temps libre ?

Je me promène presque une heure tous les jours et je lis beaucoup. Je m'informe aussi quotidiennement sur internet, Expat blog m'a permis d'avoir de nombreux amis. J'ai même invité quelques amis du Canada, rencontrés sur Expat blog, et de nouvelle amitiés se sont ainsi nouées.
Je m'occupe beaucoup de mon potager et de mes animaux (j'ai deux chiens et quatre chats), donc je ne peux m'ennuyer. L'été je suis presque tous les jours à la mer qui se trouve à seulement à 7 km de mon domicile, car j'aime nager. Le matin il y a moins de monde et la mer est magnifique.

Qu'est-ce qui te plaît le plus à Polignano a Mare ?

Les sorties, les rues pleines de monde le soir, surtout les dimanches soirs, les concerts, les églises et les commerces ouverts très tard le soir, les fêtes patronales et religieuses, les artistes de rues, et le fameux évènement qui se déroule en juillet, « le livre possible », où de nombreux poètes et écrivains viennent parler de leurs livres, textes et poésies.

Tes spécialités culinaires préférées ?

Le café est excellent, surtout l'expresso, et la mozzarella. Ici, on cuisine très bien les aubergines (farcies ou « parmigiana »), les pâtes naturellement et les fèves. Les orecchiettes fraîches (sorte des pâtes en forme de chapeaux souvent confectionnées à la main par les mamies) sont délicieuses et cuisinées avec une sauce tomate avec des roulades (viande de bœuf farcie), ou alors avec de la verdure locale (cime di rape, ciccorie...). Un des plats traditionnels est : pommes de terre, riz et moules cuisinés au four. Les fruits sont excellents, les agrumes peu chers (env. 50 ct à 1€ le kg).

Un évènement particulier que tu voudrais partager ?

Lorsque mes filles ont commencé à fréquenter le collège, la première demande de leur camarade a été : qu'elle est ton équipe de foot préférée ? Naturellement, elles n'ont pas su quoi répondre puisque nous nous n'avons pas l'esprit foot dans notre famille et de la société d'où nous venons ! C'est dire que pour eux, c'est très important !

Quel est ton avis sur le coût de la vie à Polignano a Mare et en Italie en général ?

Les énergies coûtent cher, l'électricité, l'essence (environ 30% plus cher qu'en France), les taxes pour les poubelles aussi. Les coûts pour les permis de construire, comme la taxe d'habitation, n'existent pas. La mairie demande des sommes considérables pour le retrait du permis de construire, qui coûte 70 % plus cher dans les campagnes que dans la ville, avec 70% de service en moins ! Une aberration !
Sinon pour l'alimentation, c'est presque pareil qu'en France, hormis les fruits et légumes peu chers et de qualité, locaux et de saison. L'eau non-potable coûte environ 0,50 ct le m3. Donc, c'est raisonnable.
Les assurances voiture sont hors de prix avec des options minimes. Pour les jeunes, c'est un véritable casse-tête. Ils doivent s'acquitter de leur cotisation d'assurance tous les 6 mois, une somme considérable (environ 600 €) par exemple pour une Renault Clio année 2009, sans assurance vol et incendie.

Qu'est-ce qui te manque le plus par rapport à la France ?

Un administration plus saine. La corruption, ici, n'est même pas caché. En France, du point de vue administratif, les choses fonctionnent nettement mieux. En plus, en France il y a plus d'aide pour les personnes en situation précaire. En Italie, je n'en ai jamais entendu parlé ! Tous les Italiens de toutes les classes sociales ont un ras-le-bol total envers leur gouvernement.

Des conseils aux personnes qui souhaiteraient s'expatrier en Italie ?

Il faudrait d'abord qu'elles y vivent deux ou trois mois, et ensuite peser le pour et le contre. Les choses se sont améliorées un peu en 2015 pour l'installation, et les problèmes se résolvent au fur et à mesures qu'ils surviennent. Le mieux serait de s'expatrier avec une pension confortable, mais pas pour y travailler. Là, c'est mission impossible ! A moins d'ouvrir sa propre activité, je ne vois absolument pas comment on peut faire autrement ! Il y a un taux de chômage énorme, les bureaux pour les demandeurs d'emploi ne servent pratiquement à rien. Ils rentrent vos données dans leur base informatique et puis basta ! Il n'y a aucune aide, pour ceux qui ont travaillé peu de temps, il n'y a pas de politique familiale. Les personnes ayant des enfants sont si peu aidées que je me demande comment elles feraient pour survivre sans l'aide de leur propres parents ou famille !

Tes projets d'avenir ?

Nous comptons retourner en France, avec de nouveaux projets de travail pour mon mari et moi. Nous ne pouvons continuer à vivre sans revenus en Italie, même si nos besoins sont limités, et que nous n'avons que faire du superflu.

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