Chrystel : « les Sévillans sont accueillants mais il n'est pas forcément simple de s'intégrer »

Interviews d'expatriés
Publié le 2014-06-26 à 00:00 par Expat.com team
Originaire de Toulouse, Chrystel s'est installée en Espagne pour des raisons professionnelles. Elle travaille dans la recherche agronomique en tournesol et vit depuis 2 ans à Marchena, à 60 kilomètres à l'est de Séville, une ville réputée pour ses nombreuses églises et sa Semaine Sainte...

Pourquoi as-tu choisi de t'installer à Marchena ?

Même si j'apprécie beaucoup l'Espagne, partir en Andalousie n'était pas vraiment prévu au programme. De par mon métier je voyageais souvent au Chili et parfois pour des missions de plusieurs mois. C'est en essayant d'intégrer l'équipe chilienne que j'ai rencontré mon actuel employeur qui m'a au départ contacté pour un poste en France mais qui de fil en aiguille, je ne sais pas bien comment, s'est terminé par une place dans sa filiale espagnole basée à Marchena.

Comment s'est passée ton installation ?

Assez facilement, mon employeur m'a aidé dans ma recherche de logement. Il m'avait fait une présélection et lorsque je suis venue pour une première visite, je n'ai eu qu'à choisir...
Le déménagement a été un peu plus compliqué car j'ai eu un peu de mal à récupérer mes meubles. Je savais qu'ils arriveraient après moi donc je m'étais arrangée avec ma propriétaire pour qu'elle me prête un peu de mobilier et de vaisselle. Mais je suis restée pratiquement deux semaines à camper dans un appartement vide avec pour seules affaires celles que j'avais pu embarquer dans ma petite C3!
Puis mes nouveaux collègues m'ont gentiment aidé et conseillé pour ouvrir compte en banque, choisir un abonnement Internet et téléphone portable... bref, toutes ces formalités d'usage dès lors qu'on déménage. Sauf que comme cela se passe à l'étranger, les modalités et les offres sont différentes et quelques conseils de la part des locaux sont bienvenus pour faire le tri !

Quelles ont été les formalités que tu as dû accomplir pour pouvoir vivre en Espagne ?

Il y en a eu pas mal aussi bien en France qu'en Espagne. Ce n'était pas bien compliqué mais c'était assez long. Pour entrer dans le moule administratif espagnol ça m'a pris environ trois mois. J'étais locataire en France donc mon départ signifiait plus aucune adresse en France. On m'a embauchée sous régime espagnol je devenais donc résident fiscal espagnol et c'était la sécurité sociale espagnole qui désormais, me prenait en charge. Je devais donc informer de mon départ les impôts, la sécurité sociale, mon assurance voiture et clôturer différents comptes et abonnements.
En Espagne, les formalités ont commencé dès la rédaction de mon contrat d'embauche par l'obtention du NIE ou numéro d'identification des étrangers, indispensable pour établir le contrat de travail définitif. Lorsqu'on s'installe en Espagne pour plus de trois mois, il faut s'inscrire au registre des étrangers et on obtient le certificat d'inscription des citoyens européens vivant en Espagne. Ce qui correspond à l'ancienne carte verte de résident ou de séjour. Le NIE et ce certificat, c'est votre identité en Espagne. Si on a tous les bons justificatifs du premier coup, on les obtient assez facilement en même temps au bureau des étrangers de la province où on s'installe.
Pour mon inscription à la sécurité sociale et aux impôts espagnols c'est mon employeur qui s'en est chargé. Ouf, un truc de moins !
Je me suis aussi enregistrée dans ma commune c'est ce qu'on appelle « el empadronamiento », un concept typiquement espagnol. C'est votre justificatif de domicile. On peut alors s'inscrire au centre de santé de sa ville et on vous affecte votre médecin de famille. On peut également voter aux élections municipales. Je me suis inscrite au consulat de France ce qui reste finalement mon seul lien administratif avec la France. Ça permet d'une part, de pouvoir renouveler les papiers d'identité française et d'autre part, de continuer à voter en France pour les élections législatives et les présidentielles. J'ai dû assurer ma voiture mais les compagnies espagnoles refusent les voitures immatriculées à l'étranger... Le changement d'immatriculation est un vrai parcours du combattant alors pour faire simple, je l'ai confié à une agence de gestion qui a fait toutes les démarches à ma place.

Comment s'est passée ta recherche d'emploi ? As-tu des conseils à partager à ce sujet avec les autres membres ?

Je n'ai pas cherché d'emploi, c'est plutôt lui qui m'a trouvé... et je suis arrivée en Espagne avec mon contrat de travail en poche.
Le seul conseil que je pourrais donner, c'est d'avoir un projet bien construit ou une promesse d'embauche solide avant de venir s'installer. Ce n'est pas pour dramatiser mais c'est un fait, le pays est en crise et les aides sociales aux sans emplois sont inexistantes. Pour être honnête, si je n'avais pas eu une proposition d'embauche sérieuse dans une société qui tienne la route, je n'aurai pas pris le risque de venir en Espagne.

As-tu eu des difficultés d'adaptation (barrière de la langue, coutumes) ?

Non pas vraiment, je parlais déjà l'espagnol en arrivant, il faut juste s'habituer à l'Andalou pas forcément évident à comprendre au départ. J'ai plus de mal avec le rythme de vie, les Espagnols dorment très peu : entre 4h et 6h par nuit. Je dois avouer que quelques fois j'ai du mal à tenir la distance et il me faut faire une pause !

Qu'est-ce qui t'a le plus surpris à Séville ?

Un mélange assez surprenant entre la vie de tous les jours et la religion qui est très présente. Sans aller à la messe tous les dimanches, ils participent à de nombreux actes religieux dont le plus célèbre est la Semaine Sainte. Pendant huit jours, la ville va vivre au rythme des processions religieuses dédiées à la Passion du Christ. Les confréries ou « Hermandades » sortent dans les rues de la ville les effigies auxquelles elles sont rattachées et dévouées. Ce sont des statues représentant le Christ et la Vierge montées sur des autels ou « pasos » richement décorés et portés à dos d'homme.
Cette foison de représentation de la Vierge est déroutante, on a l'impression qu'il y a plusieurs Vierges et chacune a son jour dans le calendrier annuel pendant lequel on va lui rendre hommage. Du coup, en dehors de la Semaine Sainte, il y a régulièrement des processions tout au long de l'année. A chaque fois, cela attire les foules, les croyants et non croyants se mettent sur leur 31 et se pressent dans les rues de la ville pour se recueillir ou simplement admirer le passage de ces imposants cortèges.

Les Sévillans sont-ils accueillants ? Est-il facile de s'intégrer et de faire de nouvelles connaissances ?

Oui, les Sévillans sont accueillants mais il n'est pas forcément simple de s'intégrer. Dans la rue, ils viennent vers toi, ils te parlent, te renseignent... Tu fais plein de connaissances, toujours disposées à prendre un café, sortir mais cela s'arrête là. Cela reste superficiel et rares sont ceux qui t'ouvrent la porte de chez eux. La maison, la famille c'est sacré et c'est leur jardin secret... et on m'a expliqué que c'était un trait de caractère typiquement sévillan.

Peux-tu partager avec nous un trait caractéristique de Séville qui te plaît particulièrement ainsi qu'un aspect négatif ?

Un trait ou plus tôt une manifestation caractéristique qui me plait beaucoup, la Féria d'Abril. Elle témoigne d'un fort ancrage des traditions chez les Sévillans et chez les Andalous en général et elle est tout aussi célèbre que la Semaine Sainte qui a lieu quelques semaines avant.
A nouveau, la ville est paralysée, les boutiques ferment et la circulation est fortement perturbée. Le mieux c'est de prendre quelques jours et de vivre pleinement la Féria ! A cette occasion, durant environ 5 jours, on assiste dans le parc férial à un défilé de carrosses, d'hommes à cheval et femmes toutes les unes plus belles que les autres, portant le tenue traditionnelle avec un naturel et une aisance déconcertante. Cela n'a rien de folklorique, c'est un évènement très attendu et qui compte beaucoup pour eux. Ils le préparent des mois à l'avance. Les Sévillanes ont pour habitude de se faire elles même leur robe flamenca et le cas échéant, elles mettront un soin tout particulier au choix du « traje de gitana » qu'elles porteront. J'ai porté pour la première fois cette année, la robe flamenca que mes amies m'ont confectionnée. C'est magique...Bien que n'étant pas espagnole, je ne me suis sentie à aucun moment déguisée et comme n'importe quelle autre andalouse, j'ai pris part à la fête ! Hommes, femmes et enfants déambulent dans les allées avec le petit verre de "rebujito" à la main. C'est la boisson locale, spécial féria à base de Manzanilla et de Seven up, pas très alcoolisée mais sucrée, très rafraichissante et qui se boit comme du petit lait. Je vous laisse imaginer la suite... Au son de la musique flamenca et des sévillanes, ils papillonnent de « caseta » en « caseta » qui sont de grands stands, un peu comme les baraques des marchés de Noël en France, où on peut manger, boire et où ils dansent la danse traditionnelle andalouse, les sévillanes.
Je n'ai pas trouvé de réel point négatif à Séville si ce n'est qu'il est très difficile de s'y garer et que ça gâche un peu le plaisir de s'y rendre.

Une idée reçue sur l'Espagne qui s'est avérée totalement fausse :

L'Espagne ce n'est pas cher et on y paye peu d'impôts.
C'était peut-être vrai il y a plusieurs années mais aujourd'hui je dirais que les logements, la nourriture, les vêtements sont effectivement moins chers par contre, tout ce qui est loisirs, l'essence c'est dans le même ordre de prix. La téléphonie fixe et mobile, les abonnements internet sont même plus chers avec un rapport qualité prix assez moyen. Quant aux impôts, les charges sociales sont bien plus basses qu'en France mais l'impôt sur le revenu est exorbitant : pour une personne seule, sans enfant et ayant un emploi fixe, selon la tranche de revenu l'Etat espagnol retient par mois de 14 à 25% du salaire.

Qu'est-ce qui te manque le plus par rapport à la France, ton pays d'origine ?

Vous allez trouver cela très matériel mais je crois que c'est le mal de un peu tous les Français qui s'expatrient : le pain, le fromage et le café me manquent! Mais la gastronomie espagnole offre tant d'autres plats délicieux qu'on apprend à vivre sans et puis lorsqu'on rentre au pays, on se fait une petite provision.

Quel est ton plat sévillan/espagnol préféré ?

Le Cocido Andaluz c'est le pot au feu espagnol qui a la particularité de contenir des pois chiches, de la citrouille et des haricots verts lorsque c'est la saison. Les légumes sont servi sous forme de soupe épaisse et la viande (porc, poulet et lard) appelée « pringá » (pringada en castillan) est servie après. On l'émiette, on la mélange au lard et on la tartine sur du pain. Ce n'est pas top pour la ligne mais qu'est-ce que c'est bon !
En été j'apprécie particulièrement le Salmorejo : c'est comme le gazpacho mais plus épais car il y a plus de pain ce qui lui donne une couleur plus orangée. Il est servi avec un filet d'huile d'olive, des dés de jambon ibérique et œufs durs émiettés.

A quoi ressemble ton quotidien à Marchena ?

Une bonne partie de la journée, je suis au travail. En Espagne on travaille en moyenne 8h00 par jour et 40h par semaine. Les Espagnols partent le ventre vide au travail, il y a une grande pause petit déjeuner vers 10h00 pendant laquelle on fait un véritable petit repas, sandwich, fruits, jus de fruit avec du lait...
Après le travail, vers 17h30 en hiver ou 15h00 en été, une petite sieste et/ou une pause au café avec les amis et on repart pour une deuxième journée. Les courses, je profite des boutiques qui restent ouvert assez tard, puis il y a aussi les activités. Moi par exemple, je fais 3 fois par semaine de l'aérobic et je chante dans une chorale « rociera » (chants typiques sévillans). Ce n'est pas rare qu'après les activités je m'arrête grignoter quelques « tapas » dans un petit restau bien local.
Avec tout ça je ne me couche jamais avant minuit ! Je profite alors des week-ends pour récupérer.

Est-ce qu'il y a des habitudes locales que tu as adoptées depuis que tu vis ici ?

Les heures tardives des repas : 14h30/15h00 pour le déjeuner, 22h00/22h30 pour le diner. Dès les premiers jours de mon arrivée, en prenant le petit déjeuner de 10h00, mon estomac s'est très vite calé sur ce rythme !
La petite sieste de l'après-midi en plein été. De toute façon, avec la chaleur qui fait on ne peut pas faire grand-chose d'autre et cette coutume de vie a sa véritable utilité : elle permet de pouvoir veiller un peu pour profiter de la fraicheur de la soirée et de la nuit.

Quels conseils peux-tu donner à ceux qui veulent s'installer à Séville?

Je n'ai pas réellement de conseil à donner à ceux qui voudraient s'installer à Séville si ce n'est de ne pas venir la fleur au fusil et de penser « on verra bien sur place »...
Dès lors que vous aurez un emploi, vous trouverez facilement à vous loger et vous pourrez vous concocter une petite vie sympa dans les champs d'olivier ou dans le tumulte de la ville mais quoi qu'il en soit, au soleil, avec la joie de vivre et la bonne humeur des andalous, ça c'est sûr !

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