Emmanuel Langlois : « S'expatrier, vous en rêvez, ils l'ont fait ! »

Interviews d'expatriés
Publié le 2014-05-22 à 00:00 par Expat.com team
Journaliste à France Info, Emmanuel Langlois part chaque samedi à la rencontre d'un expatrié dans sa chronique « Français du monde ». Des expériences et portraits d'expatriés qu'il a rassemblé dans son ouvrage « S'expatrier, vous en rêvez, ils l'ont fait ! ». Il nous livre son regard sur l'expatriation et ces Français qui ont choisi de vivre une aventure à l'étranger...

Vous partez chaque samedi à la rencontre d'un expatrié français dans votre chronique « Français du monde » : qui sont ces expatriés que vous rencontrez ?

Il y a un peu tous les profils. Ce sont des gens qui sont installés durablement dans le pays où ils vivent afin qu'ils aient suffisamment de recul sur leur expérience. Ce sont fréquemment des personnes liées au monde du tourisme, des créateurs d'entreprises...

Comment vous est venue l'idée de rassembler dans un livre ces portraits d'expats ?

Je me disais que cela allait donner une deuxième vie à ces chroniques qui sont diffusées à la radio puis publiées sur Internet. Avec ce livre, je pouvais rassembler ces témoignages par thèmes, les regrouper en fonction des thématiques abordées. J'ai également ajouté l'adresse mail des expatriés à la fin de leur portrait pour que les lecteurs puissent les contacter, afin d'engager la discussion. J'aime bien ce côté passeur, le fait de pouvoir créer du lien entre les gens.
D'ailleurs, il y a eu quelques belles histoires de personnes que se sont retrouvées via ces chroniques. Je pense notamment à un Français qui vivait dans un coin perdu d'Amazonie, dans l'ouest du Brésil, à la frontière avec la Bolivie. Il avait monté là-bas un musée hétéroclite dans une ancienne gare d'où les trains partaient jadis pour transporter le caoutchouc des hévéas. Sa famille n'avait plus de nouvelles de lui et l'a retrouvé grâce à la chronique. Le maire lui a même offert un billet d'avion pour aller voir sa famille à Bordeaux. Ça me fait vraiment plaisir ce genre d'histoires.

En quoi votre livre peut-il aider ceux qui veulent s'expatrier ?

Ce livre a valeur d'expérience. On peut facilement trouver des informations pour aller à l'étranger, via des organismes qui proposent de type de renseignements. En lisant les expériences d'autres expatriés, cela peut donner envie d'aller dans le pays, au travers des aventures comme des mésaventures des expats. Ce qui est intéressant, c'est le côté expérience partagée. Cela peut nourrir une réflexion dans l'esprit des gens et ils peuvent également directement rentrer en contact avec les expatriés interviewés.

Au travers de tous ces portraits d'expatriés, est-ce que vous pouvez dresser un portrait général du Français de l'étranger ?

Cela n'est pas évident car il y a plusieurs raisons pour l'expatriation.
Il y a des gens qui partent pour quitter la France. C'est d'ailleurs une tendance de plus en plus forte. Ils vont à l'étranger car il y a un ras-le-bol de leur situation en France. Il y a des gens qui ont pour projet de créer un business. Cela peut être notamment plus facile dans des pays comme le Canada, les États-Unis, l'Asie. Il y a ceux qui sont envoyés à l'étranger par leur entreprise. Et puis, il y a un volet humanitaire : partir pour aider les autres.
C'est donc très varié. Mais le point commun, c'est leur détermination. Ils ont tous un projet qu'ils vont suivre. Quand on arrive à l'étranger, il faut se sortir les mains de ses poches, faire des efforts. Il faut s'adapter à son nouvel environnement : il y a une mentalité différente, une façon de travailler, de vivre différente, même dans des pays francophones comme le Québec. On ne nous attend pas les bras ouverts donc il y a une certaine énergie à développer.

Qu'est-ce qui selon vous les poussent à vouloir vivre une expérience hors de leurs frontières ?

Il y a deux grands courants :
- ceux qui veulent quitter la France : ils ont un déclic qui les pousse à quitter le pays. Ils veulent changer de vie. Par exemple, j'ai rencontré un expat en Afrique en Sud qui avait auparavant une entreprise d'études de marché. Il ne voulait plus de cette vie et a monté une maison d'hôtes au Cap. C'était un besoin de passer à autre chose.
- l'envie de découvrir : toutes les grandes écoles proposent désormais d'aller à l'étranger dans le cadre de leur cursus. Pour les jeunes de 20-25 ans, il y a cette envie de toucher du doigt autre chose. C'est devenu naturel pour eux de partir à l'étranger, notamment via des programmes tels qu'Erasmus, le VIE : ils ont plein de possibilités. A mon époque, partir comme cela était inatteignable. Aujourd'hui, cela se fait plus simplement qu'avant.
Une partie des expatriés part également à cause du système de diplômes à la française. Au Canada ou aux États-Unis, peu importent vos diplômes et examens. On vous laisse votre chance et vous serez jugé sur ce que vous saurez faire. Je me souviens d'un Français du Mid-West, parti sans diplôme de France (il n'en pouvait plus des radars automatiques). Il a trouvé un job dans la maintenance des engins de chantier. Il est devenu ingénieur dans sa boîte et aujourd'hui il parcourt le monde pour aller réparer ces engins. Ou encore ce Français qui rêvait d'être pilote d'avion, et qui, à cause de normes trop strictes, n'a jamais pu exercer, alors qu'au Canada, il a pu sans problème.

D'après les témoignages recueillis, que faut-il pour bien réussir son expatriation ?

De la préparation. Il est préférable d'effectuer un voyage d'exploration pendant quelques jours, quelques semaines, afin de voir si l'on s'adaptera : à la population, à la culture, au climat (par exemple les hivers à -30°C au Canada). Cela dépend aussi si l'on part seul ou en famille, avec des enfants. Se rajoutent alors d'autres choses à prendre en considération comme l'éducation. Il est important d'avoir un plan, penser à son conjoint, à ce qu'il va faire. Il y a donc toute une réflexion à avoir en amont.

Quels sont les principaux problèmes rencontrés par les expatriés ?

Je dirais l'inadaptation à la culture du pays où l'on débarque, se faire des fausses idées sur le pays, arriver en terrain conquis, ne pas être à l'écoute des autres et avoir du mal à apprendre. Il y a également l'éloignement de la famille à gérer même si cela est désormais plus facile grâce aux outils numériques.
Pour les gens qui créent une entreprise, il y a des problématiques liées au respect des règles locales : est-ce qu'il faut avoir un partenaire local, comment trouver quelqu'un de confiance qui ne va pas vous spolier...
Pour ceux qui partent en famille, il faut penser à son conjoint et faire en sorte que chacun s'épanouisse. Il ne faut pas que l'un se sacrifie.

Et au contraire, les aspects positifs d'une expatriation ?

L'ouverture au monde, l'ouverture d'esprit, connaître une autre culture, apprendre une autre langue... Cela permet d'avoir un esprit d'adaptation à développer, d'être adaptable. S'expatrier, c'est aussi l'impression de réussir quelque chose : rester sur place, s'installer, réaliser son projet, fournir des efforts et voir le chemin parcouru, c'est une satisfaction personnelle.

S'expatrier, vous en rêviez ? Avez-vous déjà été tenté par l'expatriation ?

Non (rires). Chaque fois que je fais un voyage (environ 3-4 fois par an), je me dis qu'on n'est pas si mal en France (que ce soit au niveau du climat, de l'État). Je n'ai pas encore trouvé de pays qui fait mieux ou aussi bien que la France : on n'est pas si mal en France !
Je préfère voyager souvent que m'installer à l'étranger. J'ai une énorme admiration pour ces expats qui ont des projets incroyables mais je ne me vois pas faire ça.

Vous voyagez régulièrement pour rencontrer les Français dans leur pays d'accueil : quelle est l'image du Français à l'étranger ?

Ils sont en général bien intégrés. Ce sont des gens que je vois 2 à 3 ans après leur arrivée dans le pays. Aux États-Unis, le côté français a une image favorable : gastronomie, culture, histoire, luxe. Il y a un préalable favorable, une image favorable de la France à l'étranger et c'est un pays connu. J'avais fait un échange de maisons il y a quelques années au Canada et les Canadiens rêvaient vraiment de la France. Quand on est français, on véhicule une image plutôt positive.

Quelle est la rencontre qui vous a le plus marquée ?

C'est difficile d'en choisir une. Dans les rencontres incroyables, il y avait notamment un expat qui travaillait chez Disney en Floride. Il s'est installé du jour au lendemain comme crêpier à Caracas, après avoir suivi une formation dans une école de crêpiers en Bretagne. Il a aujourd'hui une quinzaine d'employés et travaille dans les soirées de l'ambassadeur de France au Venezuela.
Il y a également une personne qui avait une agence de communication. Au moment de la crise, elle a tout vendu pour installer une usine de yaourts avec Danone au beau milieu de l'Afrique.
Il y a en effet une liberté dans pas mal de pays que l'on n'a pas en France, en ce qui concerne l'esprit d'entreprise. C'est le cas notamment en Amérique, en Australie. En France, lorsqu'on a une idée, il faut prouver qu'elle est bonne ; aux États-Unis, c'est l'inverse : tant qu'on n'a pas prouvé qu'elle est mauvaise, elle est considérée comme bonne.

Un conseil à donner à ceux qui veulent se laisser tenter par une expérience à l'étranger ?

Se préparer, se documenter. Il faut contacter les organismes, les missions économiques et chambres de commerce si on part avec l'idée de créer quelque chose. Il ne faut pas hésiter à les contacter, d'autant plus que cela est facile avec Internet.
Il faut également éviter de se focaliser sur un pays, avancer sans aller trop vite et adapter son projet au fur et à mesure des avis qu'on recueille. C'est important d'être prêt à changer de destination face à certaines réalités. Par exemple à Tahiti, c'est beau, il y a la plage, la mer mais qu'est-ce qu'il y a derrière lorsqu'on y vit ? Est-ce que cela sera compatible avec mon projet ? Il faut savoir s'adapter.

Partagez votre expérience d'expatrié !

Si vous souhaitez participer aux interviews, contactez-nous.

Participer