J'ai eu l'occasion de déjeuner, samedi dernier, en compagnie de deux "vieux" amis malgaches.
L'un est général, l'autre administrateur civil et ils ont tous deux occupé divers "hauts emplois" de l'État au cours de ces quinze dernières années.
J'apprécie tout particulièrement nos échanges sachant que, entre nous, il n'y a pas de place pour la "langue de bois", ni pour les sujets "tabous".
Ils n'ont pas pour habitude de ménager le "visage pale" que je suis - c'est ainsi qu'ils me nomment parfois - et, pour ma part, je me sens suffisamment proche d'eux pour m'autoriser certaines opinions - parfois critiques - sur la situation et la conduite des affaires du pays, ce qui n'est pas forcément toujours aisé connaissant la susceptibilité et le nationalisme qui animent souvent les malgaches .
Nos dernières discussions nous ont ainsi amené à parler de deux thèmes et il m'est apparu, après coup, intéressant de vous faire partager leurs observations sur la situation du tourisme et de l'immigration à MADAGASCAR.
Commençons donc par le tourisme.
Selon mes deux amis, les principaux enjeux du développement touristique de MADAGASCAR résident dans la capacité :
- à disposer d'une compagnie aérienne nationale fiable
- à réhabiliter le réseau routier existant et à créer de nouveaux axes routiers qui permettront de désenclaver certaines régions et de les ouvrir au tourisme
- à faire de ANTANANARIVO une "vitrine" du pays où les touristes auront envie de se poser et ne se contenteront plus uniquement de transiter. Cela passe, bien évidemment, par une mise en valeur de la capitale (assainissement, circulation, sécurité, ..).
- à professionnaliser les prestations et les services à offrir aux touristes (formation du personnel travaillant dans le secteur du tourisme, ..)
- à privilégier la clientèle "moyen/haut de gamme" au détriment de la clientèle "à petit budget" (MADAGASCAR est maintenant doté de nombreux établissements hôteliers de "bon standing" et la cible prioritaire doit être les touristes avec un budget minimum de 100,00 Euros par jour)
- à éradiquer le tourisme sexuel qui nuit significativement à l'image de MADAGASCAR (un atelier/conférence sur le tourisme sexuel est à ce propos organisé ce jeudi 19 juin 2014)
Quant à l'immigration étrangère, mes deux amis s'accordent à penser qu'il y a nécessité de réformer rapidement les modalités de délivrance des visas de résidents dont :
- la notion d'investisseur (fixer un niveau d'investissement minimum - un étranger qui déclare investir 10.000,00 Euros ne peut être considéré comme "sérieux - et "faire la chasse" aux créations de sociétés "fantômes")
- le statut du regroupement familial (aucune systématicité, le "vazaha" qui se marie avec une femme malgache doit être invité à ramener cette dernière dans son pays d'origine plutôt que de s'installer avec elle à MADAGASCAR)
- les retraités, de plus en plus nombreux " à vouloir jouir, dans tous les sens du terme, de leur retraite à MADAGASCAR", comme le dit l'un de mes amis. Selon lui, il y a, là-aussi, nécessité de fixer un seuil de revenus minimum - il parle de 1.500,00 Euros par mois - car, dixit, "MADAGASCAR ne peut devenir une maison de retraite pour vieux vazaha".
- la mise en place d'un contrôle périodique - annuel - de la situation des étrangers résidents afin de vérifier qu'ils remplissent toujours les conditions exigées pour bénéficier du statut de résident
Toujours selon mes amis, on observe, depuis quelques années, un développement d'un ressentiment anti-étranger, surtout sensible chez les jeunes. C'est un constat que je partage et il est en effet perceptible que le regard des malgaches vis-à-vis des "vazaha" a changé.
Derrière les sourires de façade se mêlent de plus en plus souvent des sentiments de jalousie et de réprobation à l'égard du comportement parfois outrageant et déviant de certains étrangers.
Je vous avoue que j'ai été un peu "secoué par les discussions que j'ai eues avec mes deux amis. Il y a certes des éléments que je percevais depuis quelques temps, des indicateurs qui vous font comprendre que les choses et les relations se tendent.
J'ai ainsi pensé qu'il pouvait être utile de vous faire partager ces échanges qui nous éclairent un peu quant à la façon dont les malgaches - et leurs élites et gouvernants - nous perçoivent en notre qualité de touristes ou de résidents.
Ne perdons en effet pas de vue que les malgaches sont nos hôtes et nous leurs obligés.